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Petit Palais : quand Van Gogh et les artistes hollandais se ressourçaient à Paris

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Le Petit Palais présente jusqu'au 13 mai 2018, une grande exposition consacrée aux artistes hollandais venus à Paris, de la fin du XVIIIe siècle au début du XXe. Une présentation qui éclaire sur les échanges artistiques et amicaux entre les peintres des deux pays. Visite de cette exposition intitulée : "Les Hollandais à Paris, 1789-1914, Van Gogh, Van Dongen, Mondrian..."  

A la fin du XVIIIe siècle, Paris est le centre du monde pour de nombreux artistes. Les créateurs des Pays-Bas ne font pas exception, loin de là. Jusqu’au début du XXe siècle, de nombreux peintres néerlandais se précipitent dans la capitale française. A cela, il y a plusieurs raisons. A paris, les galeries sont nombreuses et le marché de l’art est florissant. Les bars aussi ne manquent pas et les filles ont la réputation d’y être faciles. Le soir, dans les bistrots parisiens, les artistes se rencontrent, échangent, se conseillent, dansent et boivent beaucoup. Tout cela crée une certaine ambiance, qui attire de nombreux peintres, dont Van Gogh. C’est ce style de vie, mais aussi les échanges artistiques, entre la France et les Pays Bas que met en lumière, aujourd’hui, le Petit Palais. De 1789 à 1914, plus d’un millier d’artistes hollandais se rendent en France, attirés par la Ville-Lumière et son dynamisme artistique. Le succès des expositions universelles est aussi une raison de cette migration créatrice. Voilà une présentation qui promet d’être intéressante et j’ai très envie d’admirer les toiles de Van Gogh, époque parisienne, peu montrées. Un fois de plus le Petit Palais a eu une bonne idée, d'autant que les peintres hollandais nous éclairent aussi sur le Paris d'autrefois. Ici, Jongkind, grand peintre et grand buveur, nous montre la construction des quais.

Johan- Barthold Jongkind (1819-1891). Notre Dame vue du quai de la Tournelle. Huile sur toile, 1852. Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais / Roger Viollet

Johan- Barthold Jongkind (1819-1891). Notre Dame vue du quai de la Tournelle. Huile sur toile, 1852. Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais / Roger Viollet

Le soleil de Paris

J’entre et je me précipite tout de suite vers la salle où sont exposés les Van Gogh. Elle est ronde, avec des murs bleus canard. Il fallait oser, mais cela fonctionne très bien. A la mort de son père, le jeune peintre quitte les Pays-Bas, pour rejoindre à Paris son frère Théo, lequel dirige la "filiale Montmartre" de la galerie Goupil, établissement très important pour le marché de l’art contemporain de l’époque. Vincent Van Gogh arrive à Paris en mars 1886. Il restera deux ans chez son frère, qui sera pour lui un véritable père. Vincent est venu pour progresser et faire des ventes. Tout de suite, sa peinture s’éclaircie car il découvre l’impressionnisme et le néo impressionnisme. On a coutume de dire  que la peinture de Van Gogh explose en couleurs, grâce au soleil d’Arles. L’histoire est belle, mais elle en grande partie fausse.

Découverte de l’impressionnisme et du pointillisme

C’est dès sa période parisienne que sa peinture évolue, elle laisse entrer la lumière, et la touche picturale devient plus déliée. Fini les paysannes aux traits lourds, brossées avec des teintes sombres. Durant l’hiver 1886-87, l’artiste commence à appliquer les techniques des impressionnistes. Dès le printemps suivant, il sympathise avec Signac et s’inspire fortement de la manière de faire des pointillistes, tout en continuant à n’appartenir à aucune école. En réalité, à Paris, Vincent découvre tout simplement la peinture claire, et l’adopte. Plus tard, en Arles, le soleil du sud accentue ce phénomène, la couleur jaune s‘imposant de plus en plus dans les toiles. Mais c’est bien à Paris que tout commence. Comme ses confrères, Van Gogh traîne à Montmartre, là où sont les ateliers d’artistes, les marchands de peinture, les bars et les prostituées. Parfois, l’artiste descend de la butte, pour aller voir les tableaux de Delacroix au Louvre. Pourtant, à Paris, Vincent Van Gogh pense qu’il n’arrive pas à devenir le peintre important qu’il veut être. Personne n’achète ses tableaux et il déprime, malgré les couleurs et les lumières qui envahissent ses œuvres.

Clarté

Dans cette peinture qui représente la vue depuis l’appartement de Théo, tous les tons sont clairs. Mais Van Gogh, soucieux de se faire remarquer opte pour une composition audacieuse, avec ce bout d’immeuble à droite. Le ciel se résume à des petites touches rapides et la façade de l’immeuble à des petits points.

Vincent van Gogh : Vue depuis l'appartement de Theo, 1887, huile sur toile, Amsterdam, Van Gogh Museum (Vincent Van Gogh Foundation)

Vincent van Gogh : Vue depuis l'appartement de Theo, 1887, huile sur toile, Amsterdam, Van Gogh Museum (Vincent Van Gogh Foundation)

Premiers tremblements

Je trouve la peinture ci-dessous drôlement intéressante. Le Van Gogh que l’on connait démarre à ce moment là : le ciel commence, doucement à tourbillonner, l’immeuble à droite semble vibrer sous la succession de petits traits et les pavés du boulevard de Clichy, au centre, glissent comme l’eau d’un torrent de montagne. Je trouve ce tableau, peu exposé en France, capital dans l’œuvre de Van Gogh.

Vincent Van Gogh : Le boulevard de Clichy, 1887. Huile sur toile. Amsterdam, Van Gogh Museum (Vincent van Gogh Foundation)

Vincent Van Gogh : Le boulevard de Clichy, 1887. Huile sur toile. Amsterdam, Van Gogh Museum (Vincent van Gogh Foundation)

Petites taches

Dans cet auto-portrait, la première chose que je perçois est l’intensité du regard, un mélange de tristesse et de férocité. Les petites taches de couleur du fond, entourent le visage, l’influence des pointillistes est bien visible. Ce portrait est comme les paysages de Van Gogh, au fond, loin derrière, quelque chose gronde.

Vincent van Gogh : Autoportrait, 1887. Huile sur carton, Amsterdam, Van Gogh Museum (Vincent van Gogh Foundation)

Vincent van Gogh : Autoportrait, 1887. Huile sur carton, Amsterdam, Van Gogh Museum (Vincent van Gogh Foundation)

Dîtes le avec des fleurs

Mais Van Gogh n’est pas le  premier artiste hollandais à être attiré par Paris. Né en 1746 à Tilbourg, Spaendonck arrive dans la capitale dès 1769. Il  s’impose en décorant, de motifs fleuris, les tabatières des courtisans. A cette époque, les natures mortes aux fleurs et aux fruits sont très à la mode. Les nombreuses découvertes faites en matière de botanique intriguent et intéressent. Les fleurs sont partout : tissus, mobilier, porcelaine. En 1781, van Spaendonck réalise ce bouquet, qui a tout pour séduire les notables français, à commencer par Marie Antoinette.

Gerard van Spaendonck : Bouquet de fleurs dans un vase d'albâtre sur un entablement de marbre, 1781. Huile sur toile, Bois-le -Duc (s-Hertognbosch), Pays- Bas, Het Noordbrabants Museum / Photo Peter Cox

Gerard van Spaendonck : Bouquet de fleurs dans un vase d'albâtre sur un entablement de marbre, 1781. Huile sur toile, Bois-le -Duc (s-Hertognbosch), Pays- Bas, Het Noordbrabants Museum / Photo Peter Cox

Une célébrité aux Pays Bas

A force de voyager en France, la peinture George Hendrik Breitner est fortement influencée par l’impressionnisme français, qu’il fait mieux connaître aux Pays Bas. Influencé par Degas, il importe le thème de la ballerine dans son pays. Peu connu en France, Breitner est très célèbre en Hollande. A la suite de l’exposition universelle, le japonisme devient tendance. George Hendrik Breitner réalise une série de jeunes filles en Kimono, qui connaît un grand succès. Dans cette toile ci-dessous, je remarque que la pose de la jeune femme m’évoque une photographie. J’apprends que Breitner possédait un appareil Kodak. Ceci explique peut-être cela. Quoi qu’il en soit, cette femme allongée observant une fleur, ne manque pas de charme.

Geroge Hendrick Breitner : Le kimono rouge, 1893. Huile sur toile, Amsterdam, Stedelijk Museum / Collection Stedelijk Museum Amsterdam

Geroge Hendrick Breitner : Le kimono rouge, 1893. Huile sur toile, Amsterdam, Stedelijk Museum / Collection Stedelijk Museum Amsterdam

Le sens de la fête

Contrairement à Van Gogh, qui se morfond un peu dans son coin, Kees Van Dongen, qui a commencé comme dessinateur de presse, connaît très vite le succès à Paris. Il faut dire qu’il est l’illustrateur des bals et des mondanités. Dès 1905, il expose dans les plus grandes galeries dont Ambroise Vollard, Daniel-Henry Kahnweiler, Bernheim Jeune et Paul Guillaume : les plus grands. Sa peinture audacieuse, avec un sens du mouvement incroyable et très colorée, séduit de nombreux collectionneurs et critiques. Mais Van Dongen a eu une drôle d’idée : découper un grand tableau pour en faire six. C’est bien dommage. Fait rarissime, le Petit Palais rassemble et présente cinq parties de cette œuvre grand format. La sixième étant une photo. Un autre tableau, issu d’une collection canadienne, est présenté pour la première fois en France. Je suis frappé par la modernité colorée de la peinture de Van Dongen et par ses lumières électriques, éblouissantes. Je regarde ce tableau ci-dessous qui fait partie des six morceaux. L'audace de la composition est saisissante : au premier plan, on ne voit que les yeux et le chapeau de la femme, comme un plan de cinéma. Seul le lustre donne l'ambiance festive. Avec quelques taches de couleurs, tout est dit.

Kees van Dongen : A la Galette, 1904-1906. Photo courtesy galerie Artvera's / Adagp, Paris 2018

Kees van Dongen : A la Galette, 1904-1906. Photo courtesy galerie Artvera's / Adagp, Paris 2018

Mise en scène pédagogique

Le Petit Palais offre au visiteur une scénographie élégante et diversifiée. Van Spaendonck est évoqué par une ambiance de serre, Breitner par une cloison munie de fausses fenêtres, qui rappelle les galeries marchandes de l’époque, Von Dongen a droit à une salle aux murs arrondis de couleur prune, de même que le sol : magnifique. Autre bonus : une grande pièce permet aux visiteurs de dessiner sur des petits carnets, d’observer plusieurs mallettes de peintre pour comprendre l’évolution des techniques ou d’admirer l’album photographique de Breitner.

Cette belle exposition montre, combien les peintres hollandais ont appris de la peinture française et combien la liberté et la connaissance des lumières des hollandais, ont servi l’art français. Ces échanges artistiques, sur le bitume parisien, entre peintres hollandais et français, ont considérablement fait avancer l'histoire de la peinture. Paris, capitale des arts, c’est au Petit Palais.

Petit Palais

Du mardi au dimanche de 10h à 18h, nocturne le vendredi jusqu’à 21h

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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