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Mariage d'amour entre l'art et la nature au château de Chaumont-sur-Loire

Le Domaine de Chaumont-sur-Loire-Centre d'Arts et de Nature, propose jusqu'au 04 novembre 2018, une grande exposition collective pour fêter ses dix ans. Quelle vision ont les artistes contemporains du lien existant entre la nature et l'Homme ? L'art contemporain au service de la nature. Visite.

Au départ, il n’y avait pas grand monde pour y croire. En dix ans, le Centre d’Arts et de Nature du Domaine de Chaumont-sur-Loire est devenu un rendez-vous incontournable de l’art contemporain. Ici, les artistes rendent hommage à la végétation, avec respect, raffinement et même discrétion. Aujourd’hui, le Centre célèbre ses dix ans, en accueillant des artistes qui ont compté lors d’expositions précédentes et en proposant la nouvelle programmation d’art contemporain et de photographie. Je me dirige vers le château, il me paraît tout droit sorti d’un film de Cocteau ou d’un décor d’opéra. Ici, la pollution, les embouteillages et les tensions semblent bien loin. Le domaine de Chaumont cultive l’originalité artistique, le culte de la nature et l’invitation à la réflexion et à la méditation : un endroit unique. 200 000 visiteurs en 2008, 430 000 en 2017.

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Château de Chaumont-sur-Loire vu du parc historique, 2017. Photo Eric Sander

Mouvements éphémères

Tanabe Chikuunsai IV poursuit une vieille tradition familiale, en utilisant une technique de tissage de bambou, veille de 8000 ans. Il n’y a aucun moyen de fixation dans cette oeuvre. Pour réaliser son tissage végétal, l’artiste se sert d’un bambou tigré, très souple, que l’on ne trouve que dans un endroit précis du Japon. J’observe une immense spirale, du sol au plafond, intitulée Connexion. Cette installation est une étonnante chorégraphie végétale, elle symbolise le lien très fort qui unit l’homme à la nature. En la regardant, je pense à une sorte de mouvement perpétuel, très élégant et très solide, malgré la fragilité du matériau. J’ai un vrai coup de cœur pour cette œuvre. Après l’exposition, l’artiste détruira sa réalisation, en récupérant chaque bambou. Et dans quelques temps, quelque part dans le monde, il réalisera une nouvelle création, avec ces végétaux. Cela participe de sa démarche : ne pas oublier que la vie est fragile, courte. Tout n’est que passage. Je trouve qu’il se dégage une belle énergie de cette installation. Tanabe Chikuunsai IV travaille le bambou depuis son plus jeune âge, il a appris les différentes techniques de tissage sur l’île de Kyushu, grande zone de production de vannerie en bambou. Après, il a fait son chemin, la preuve.

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Tanabe Chikuunsai IV : Connexion, 2018. Takashimaya Tokyo. Tadayuki Minamoto / Eric Sander

Charmante folie

Dans l’immense parc qui entoure le château, Eva Jospin a construit une folie, dans l'esprit de ces abris extérieurs des jardins de la Renaissance italienne. Elle s’est aussi inspirée des rocailles, mini grottes destinées à s’abriter, à réfléchir ou à flirter. Ces "fabriques" reproduisent des dolmens, des cavités, des cascades et sont très présentes dans les jardins anglais et français du XVIIe et XVIIIe siècles. J’observe cet étrange rocher de béton, qui se fond parfaitement avec la nature environnante. C’est aussi un paysage mental qui renvoie à l’enfance, aux rêves, aux fantasmes. Au départ, Eva Jospin a fait une structure en carton, qui sert de moule pour la grotte en béton. Cette folie restera, après l’exposition, de façon pérenne dans le parc. C’est curieux, mais cet abri me rappelle les temples cambodgiens d’Angkor Vat. Avec le temps, la végétation couvrira en partie l’œuvre de l’artiste. La nature a souvent le dernier mot.

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Eva Jospin : Folie, 2018. DR. Eric Sander

Rêveries 

J’entre et je découvre qu’il y a une grande différence entre l’extérieur et l’intérieur. Le plafond est ouvert et permet de voir le ciel, tandis que les murs sont décorés de pierres, de cupules de chêne enfoncées dans le béton, de coquillages, de formes dorées. Ce rêve de béton ne laisse pas indifférent.

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Eva Jospin : décor intérieur de l'installation Folie, 2018. DR.

L’heure et l’or

J’entre dans les écuries du château pour découvrir le travail de Klaus Pinter, artiste allemand né en 1940. En 1967, il se fait remarquer en accrochant à la fenêtre d’un immeuble viennois, une grande sphère. Elle modifie la vision que les habitants portaient sur leur ville. Aujourd’hui, dans les dépendances du Château de Chaumont, il présente une immense sphère recouverte de feuilles dorées, qui dialogue doucement avec les variations du soleil. Pour l’artiste, la sphère est la forme qui rétablit le lien perdu entre le ciel et l’homme.

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Klaus Pinter : En plein midi, 2018. Photo Eric Sander

Des œufs dans le volcan

Le peintre et plasticien Nils –Udo, né en 1937 en Allemagne, s’est toujours inspiré de la nature, il a même crée le mouvement "Art in Nature".  Avec le temps, il a établi un véritable dialogue avec elle. Nils-Udo est le champion des nids, il en a fait beaucoup. Pour lui, il symbolise la forme fondamentale, le point de départ. A chacune de ses installations, l’artiste bouscule le paysage, tout en le respectant. Ici, il invente un mini volcan de gazon. Dans le cratère, il a déposé des œufs de marbres, sur des résidus de lave. L’ensemble est entouré d’un cercle de jeunes arbres.

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Nils-Udo : Le nid, 2018. DR.

Un peu de chaleur

Nils-Udo est un plasticien-poète, alors quand le soleil chauffera la lave, peut-être que les œufs de marbres écloront. Nils-Udo, artiste écologiste, pratique assidûment le culte de l’utopie. Il crée ses premières grandes installations dans les années 70. Elles sont surdimensionnées ou lilliputiennes, mais toujours en rapport avec la nature. Quand il a fini son œuvre, Nils-Udo l’éternise avec une photographie. Ses nids et ses photographies sont exposés partout dans le monde.

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Nils-Udo : Le nid, 2018. Domaine de Chaumont-sur-Loire. DR.

Patience et poésie

J’entre dans une salle et je reste sans voix. Le plafond est recouvert de plusieurs milliers de fleurs de pissenlit, se reflétant dans un immense miroir, posé au sol. L’ensemble est saisissant. Le créateur de cette merveille est un tout jeune homme : Duy Anh Nhan Duc. Depuis son enfance, il est passionné par le pissenlit, symbole de la fragilité de la vie et de la beauté d’un instant, qu’il faut savoir voir. "Il y a des gens qui savent voir et d'autres qui ne savent pas regarder" disait déjà Victor Hugo. Duy Anh Nhan Duc est né en 1983 à Saigon, au Vietnam. Il vit et travaille à Paris. Après un an de recherche, il comprend qu’il y a un moment bien précis dans la floraison de la plante, où l’on peut cueillir le pissenlit sans qu’il ne se désagrège instantanément. Les pissenlits naturels en suspension de l’artiste sont un beau symbole, car cette fleur fait référence à l’enfance, à la poésie, à la liberté, à la vie. De plus, elle pousse dans tous les pays du monde. Et avec Duy Anh Nhan Duc, elle devient tout simplement exceptionnelle.

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Duy Anh Nhan Duc : Champ céleste (détail), 2018. DR. Eric Sander

De la beauté de la fragilité

Bien sûr, j’ai fortement envie de souffler, mais je me retiens… J’admire cette oeuvre incroyable, un champ renversé de toute beauté. Je remarque que le créateur a même installé un cercle de lumières LED dans des pissenlits. Cette installation est une belle invitation à regarder à la nature. Désormais, à chaque pissenlit que je croiserai, j’aurai une petite pensée pour Duy Anh Nhan Duc.

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Duy Anh Nhan Duc : Champ céleste, 2018. DR/ Eric Sander

Mise en plis

Tiens, revoilà Simone Pheulpin, sur laquelle j’ai fait un article dans ce blog, lors de sa dernière exposition parisienne. Cette femme qui vit dans les Vosges, réalise des œuvres textiles incroyables, qui évoquent les arbres, les pierres, les coquillages. Elle n’utilise que des bandes de tissu brut, qu’elle replie et fixe avec des épingles, rien d’autre. Née à Nancy en 1941, Simone Pheulpin a reçu le 25 janvier 2018, le Grand prix de la Création de Ville de Paris. J’adore ce travail, une belle mise en pli pour la nature.

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Simone Pheulpin : La nature du pli, 2018. DR.

Coulées de couleur 

Il est temps de retourner au château pour admirer ce rideau rouge de Sheila Hicks, qui expose en ce moment au Centre Pompidou. Elle est considérée comme une grande artiste américaine, championne du tissage artistique et du jeu des couleurs. Ce rideau, comme les tapisseries déchirées de Sheila Hicks, qui répondent aux vieux papiers peints du château, s'intègre parfaitement dans le lieu et renforce sa solennité.

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Sheila Hicks : Installation au Château de Chaumont-sur-Loire (Sens dessus dessous), 2018. Photo Eric Sander / Sheila Hicks.

Tatoueurs de fleurs

Tout d’un coup, je découvre une magnifique série de photos du couple Poirier, bien connu pour ses recherches sur la transmission et la communication. Ici, il présente un travail sur la mémoire, à partir de pétales de fleurs qu’ils tatouent à l’aide d’une pointe de porte-plume ou d’une lame de cutter. L’encre rentre dans les pétales de fleurs et souligne le système circulatoire de la plante. Les artistes parviennent à graver des mots sur les pétales. Ces photos sont magnifiques, un travail de mémoire tout en sensibilité.

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Anne et Patrick Poirier : Herbarium Memorae. Tirage cibachrome sur dibond. 195 cm x 150, Pièce unique. Collection des artistes. DR. Courtesy galerie Mitterrand 

Douceur naturelle

Mais le Centre d’Arts et de Nature  rend aussi un vibrant hommage à un peintre disparu en 2017, dans l’indifférence générale : Jacques Truphémus. Balthus avait de l’admiration pour ce peintre lyonnais, héritier de Bonnard. Le Centre propose une soixantaine de tableaux de cet artiste. La majorité des toiles représente des végétaux, à la limite de l’abstraction. Peu de temps avant sa mort, j’ai vu des toiles de Truphémus lors d’une exposition à la galerie Claude Bernard. Ici, à Chaumont-sur-Loire, je retrouve les mêmes sensations. Je suis frappé par la qualité des verts et des violets, par le léger mouvement, comme un souffle de vent, qui parcourt chaque tableau. Truphemus, peint à l’huile, mais il dilue tellement sa peinture, que cela donne très souvent une impression de pastel.

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Jacques Truphemus. Huile sur toile. DR.

Le Centre d’Art et de Nature de Chaumont-sur-Loire s’autofinance à hauteur de 75 %. Il a misé sur la qualité et il est en train de gagner ce pari. Et ce n’est pas fini, la dynamique directrice Chantal Colleu-Dumond ne compte pas en rester là. Un projet d’art digital devrait bientôt voir le jour, et dans le village on évoque la construction d’un hôtel. Pour moi, cette visite a été une parenthèse enchantée. J’ai découvert une « No stress zone ».  Allez voir.

Domaine de Chaumont-sur-Loire-Centre d'Arts et de Nature

Ouvert tous les jours (dès 10h)

Billet journée : 18 euros / TR : 12

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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