Dans le cadre de la Fiac, la Cité de la Mode et du Design accueille jusqu'au 25 octobre 2015 l'exposition OFFICIELLE, pour sa deuxième édition. Une foire internationale d'art pour tenter de décrypter la création contemporaine protéiforme et complexe. Visite.
Ne dites pas aux organisateurs de la Fiac, que "Officielle" est une Fiac off, cela les met en colère. Mieux, cette année, le dossier de presse précise d'entrée de jeu : "Elle n'a jamais été pensée comme un événement alternatif, Officielle est une foire à part entière... Ce n'est ni une foire satellite, ni foire off, ni un secteur d'un plus gros événement, ni un lieu d'exposition secondaire. Officielle est officielle". Comme on dit : ça c'est fait... Comme l'an dernier, "OFFICIELLE" ouvre ses portes aux Docks-Cité de la Mode et du Design. Une bâtisse reconnaissable au serpent vert lumineux qui niche sur sa façade de jour comme de nuit.
Cité de la création
69 exposants de 17 pays, dont 28% de français, y exposent leurs artistes et le maître mot de l'événement est : Découverte. 24 galeries exposent pour la première fois. OFFICIELLE est conçue pour une nouvelle génération de marchands et aimerait bien donner un peu plus envie aux amateurs de collectionner, car en France, on regarde beaucoup grâce à un choix d'expositions exceptionnelle, mais on achète peu... Et oui... J'arrive dans le grand bâtiment de la Cité de la Mode. Comme l'an dernier, les vigiles sont sur leur garde et quinze minutes avant l'entrée officielle, il y a déjà une file d'attente.
Planète foot
Dès mon entrée, je suis attiré par le stand de la galerie Magnin -A, qui expose une très belle photo du sénégalais Omar-Victor Diop. Il s'inspire des portraits des grandes personnalités de l'histoire africaine du XIIe au XIXe et de la peinture d'histoire. Il revisite l'ensemble et propose des clichés aussi intéressant par leur forme très soignée, que par le fond. La chaussure de football a une double évocation : d'abord elle symbolise l'exploitation des pays émergents mais elle rappelle surtout l'ambiance raciste qui règne souvent dans certains stades de football. Je me souviens d'une banane lancée sur Drogba... Je remarque la très belle bordure en tissu précieux. J'ai un vrai coup de cœur pour ce travail.
Un peu d'amour
La même galerie expose également une sculpture féminine dont la robe est constituée de cadenas, allusion aux célèbres cadenas du pont des arts et à leur disparition. Mais de tout temps, l'amour n'a jamais laissé les artistes indifférents. Je reste un long moment sur ce stand. Cette belle gouache de Kura Shomalie qui montre un militaire décoré et pleine de spontanéité et de saveur. Le militaire est tellement raide qu'on dirait une marionnette...
Et Dieu dans tout ça ?
La religion tient désormais une place très importante dans notre société. Paul Amar s'est intéressé à la religion juive et propose ce temple religieux baroque, entre le facteur cheval et le cabinet de curiosité. Paul Amar est considéré comme une star de l'art brut. C’est un ensemble de petits objets et de broderie réunis dans une vitrine de grande taille. Sur le même stand, je remarque aussi ces 22 architectures sur une grande table, de A.C.M : des mécanismes d'horlogeries et de minuscules structures dressés comme des buildings.
Sur le mur opposé, j'aperçois une série de poupées grotesques et tendres à la fois.
Musique
La galerie new-yorkaise Adrian Project a accrochée une série de petits dessins dans lesquelles un avion se transforme en un instrument de musique sous les ordres d'un chef d'orchestre : amusant.
De la force des chiens
Cette année, la star d'OFFICIELLE 2015, c'est lui : Grégory Forstner, présenté par "Kromus + Zink", un marchand berlinois. Cet artiste qui est né au Cameroun, vit à Nice. Il expose des peintures qui m'évoquent Franz Hals. Le peintre, lui, se dit inspiré par l'expressionisme allemand et les images d'Epinal. A y regarder de près, cela saute aux yeux. Face à moi, des hommes à têtes de chien, mais qui conservent une expression de gros beauf vraiment humaine. A leurs pieds, un vrai chien qui a l'air perplexe, interrogateur. C’est plein d'humour et de cynisme. C'est aussi une parodie des tableaux du XVIIIe et XIX dits : "Retour de chasse". La touche picturale est très forte et la lumière circule très bien. J'observe ce vert lumineux en bas à droite de cette toile : belle technique classique. Ce tableau prouve aussi le retour à la peinture. Il se fait beaucoup plus vite en Allemagne qu'en France, où cela se produit à la vitesse d'un escargot.
Moustache
L'autre star de cette foire s'appelle Steve Gianakos, lui aussi ne manque pas d'humour pour évoquer notre époque complexe... Cette charmante petite fille sage à moustache, à de quoi dérouter et séduire à la fois....
Japonaiserie
J'ai déjà vu lors d'expositions, les dessins de Claire Trotignon. A OFFICIELLE, elle expose son nouveau travail, à partir d'une technique personnelle particulière, qui se rapproche des procédés photographiques. Ici, le dessin devient une sorte de négatif avec l'utilisation du bleu de Prusse qui lui donne toute sa profondeur. Claire Trotignon évolue dans sa façon de travailler, mais ses œuvres conservent le même charme japonisant et la même précision du trait.
Déni
Wictor Gutt (chez Pola Magnetyczne), rappelle à notre mémoire que la sauvagerie est aussi présente au cœur de la civilisation occidentale. Cet artiste expose un paravent constitué de photos de visages, d'un côté des déportés d'Auschwitz, de l'autre des visages d'autres civilisations, victimes de tueries, trouvés dans des livres d'anthologies. Les photos de déportés sont des copies de celles du musée d'Auschwitz, un camp que l'artiste a visité. C’est à partir de cette visite qu'il a eu l'idée d'une oeuvre sur le thème du déni.
A la porte
L'artiste chinois LU Pingyan présente une série de portes qui ne s'ouvriront pas, tout un symbole... Ces boiseries sont importées de Chine. Ce créateur travaille dans une tradition conceptuelle, en faisant référence à Marcel Duchamp. Des portes qui ne s'ouvriront jamais sur la liberté...
Explosif
La galerie berlinoise Dittrich & Sclechtriem propose le travail du photographe Julian Charirière. Cet artiste qui a déjà montré ses paysages rugueux et ces icebergs, continue sa réflexion sur la fragilité de la nature et sur la responsabilité de l'Homme. Je regarde plusieurs grandes photos évoquant une explosion nucléaire (un essai au Kazakhstan), un paysage mort : saisissant... Mais le plus surprenant est que Julian Charrière est réellement allé sur place, dans centre de recherche, et a laissé les rayonnements nucléaires altérer sa pellicule.
La force des esprits
Je continue mon petit périple, pardon madame... J'arrive enfin devant le stand de la célèbre galerie belge Messen de Clerq et je remarque cette œuvre étrange à base de fumée et de bougie, fantomatique.
Discrétion solaire
Ce dessin de John Houck exposé chez le new yorkais On Stellar Rays est aussi étonnant par sa forme que par la multiplication de signes colorés qui le compose. C’est un rayon de soleil mouvant sur papier : étrange.
Sur le fil
Arnaud Lefebre a la bonne idée de remettre en avant un artiste complètement oublié, mais qui a eu son heure de gloire, avec une exposition en 1975 au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris : Hessie Son travail à base fil de textile est, à son époque dans les années 70, précurseur et audacieux. Je trouve qu'il y a une vraie sensibilité dans ces œuvres composées de quelques fils sur une fine toile beige. Je suis heureux d'avoir redécouvert cet artiste poétique.
Multiplication
Est-ce la crise ? Beaucoup de galeries propose des multiples et OFFICIELLE espère encourager le goût de la collection en favorisant la présence d'éditeurs de multiples. Mais qu'on se rassure : l'œuvre unique a encore de très baux jours...
Expression libre
La galerie tunisienne Selma Feriani expose pour la première fois à OFFICIELLE. Elle présente les œuvres de Maha Malluh, originaire d'Arabie Saoudite. J'observe un grand tableau composé de cassettes de musique de différentes couleurs. C'est évidement une allusion à la musique interdite par islamistes radicaux....
Surpopulation
Les allées se remplisssent, difficile désormais de voir convenablement les œuvres. Je sors. Bien sûr, j'ai eu de bonnes surprises mais il me manque quelque chose... Quoi ? Je ne sais pas... Quelque chose... Bon, c 'est pas tout ça, il me reste encore la "vraie" Fiac au Grand Palais...
Cité de la Mode et du design: 34 quai d'Austerlitz, 75013 Paris.
Ouvert de 12h à 20H.
Entrée : 15 euros, combiné avec Fiac : 40 euros.
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