La galerie Isabelle Gounod présente jusqu'au 13 février 2016, la première exposition en France du photographe Anthony Lycett: "Self Styled". Avec une méthode très particulière, l'artiste dresse le portrait de la "sous-culture" anglaise et française. Découverte.
Dans une société très uniformisée, formatée, de plus en plus de jeunes gens résistent et affichent, à travers la mode, un besoin viscéral de montrer sa singularité, voir son sens de l'irrévérence. Les derniers en date, les hipsters, avec leurs barbes carrées à la Rodin, leurs costumes très ajustées et leurs grosses chaussures cirées envahissent de plus en plus les rues. Beaucoup ne le savent pas, mais ils sont les dignes descendants des dandys anglais du XVIII. Le Dandysme est un mouvement qui prône d'abord une élégance de l'esprit, puis une mise raffinée, originale. Le mot lui-même apparaît dès le XIIe siècle où des "cointerrels", des hommes et des femmes, se montrent particulièrement soucieux de leurs apparence et des plaisirs de la vie. Depuis, l'histoire humaine compte de nombreux dandys dont les plus célèbres sont : Jules Barbey D'Aurevilly, Oscar Wilde, Brummel, Beaudelaire, Salvador Dali, Andy Warhol, Johny Deep. Le dandy cultive toujours, avec passion, sa différence. Depuis plusieurs décennies, Londres est la capitale de toutes les avant-gardes. Est-ce un hasard si Anthony Lycett est britannique et si son terrain de jeu photographique préféré est la sous-culture anglaise ? Cette photo le prouve sans équivoque. J'aime beaucoup les lunettes à la John Lenon. Le modèle, Aymeric Bergada du Cadet est un passionné de l'histoire du costume, il est l'assistant des plus grands noms de la haute couture.
Question de méthode
Depuis 2008, date à laquelle l'artiste a commencé sa série "Self Styled", Lycett a mis au point une démarche artistique singulière. Dans les soirées branchées de Londres ou de Paris, dans les rues ou sur les réseaux sociaux, il repère ses éventuels sujets. Ce sont souvent de jeunes créateurs, des oiseaux de nuit. Sans l'aide d'aucun styliste, Lycett leur propose de choisir dans leur dressing, deux vêtements, un pour le jour et un autre pour une soirée plutôt tendance. Mais attention : ce ne sont pas les habits qui intéressent le photographe, mais l'esprit et le caractère du modèle, qui se révèlent à travers sa propre mise en scène vestimentaire. Les tissus, les accessoires de mode, les aident à s'exprimer, à afficher ce qu'ils sont vraiment et Anthony Lycett, tel un anthropologue, en est le témoin. "Self-Styled" comprend aujourd'hui plus de 200 diptyques représentant les excentriques, les dandys, les punks, les gothiques, les travestis et l'avant-garde de Londres et de Paris" précise Ashlee Conery dans le dossier de presse qui accompagne l'exposition. A première vue, j'ai un peu de mal à croire que l'artiste n'ait pas un peu poussé à la mise en scène... Mais bon... A gauche, c'est presque trop sobre, mais à droite, il y a un petit effet lampadaire que j'aime beaucoup.
L'homme en gris à la broche colorée
J'arrive devant le 13 de la rue Chapon. Je passe un grand porche et pénètre dans une cour, avec au fond la galerie Claudine Papillon et à gauche la galerie Isabelle Gounod. C'est là que je me rends pour voir l'exposition Lycett. Après un petit couloir, je découvre une grande salle aux murs blanc cassé, éclairée par des vieux néons. Première surprise : les photographies proposées sont de taille moyenne, alors que je m'attendais à du très grand format, d'ailleurs je crois que cela aurait été préférable. Lycett est là, face à moi. Il est très grand, arbore une barbe fournie, son regard est noir et vif. Il porte un costume gris trois pièces de clerc de notaire, mais il exhibe sur le revers de la veste, une grosse broche lumineuse colorée. Je remarque que ses doigts sont couverts de nombreuses bagues : originalité et élégance, so british... Il explique sa démarche artistique et insiste sur le côté social, sociologique, de son travail. Il ne veut que des gens à forte personnalité. Derrière lui, sur un écran, tous les diptyques qui ne sont pas exposés, défilent. Un peu plus loin, je remarque sur un mur, un étonnant duo photographique représentant un jeune artiste. Les tissus ultra colorés sont superbes, mais ces travaux posent aussi une question d'actualité, celle du genre. J'ai face à moi un homme ou une femme, difficile à dire... En tout cas, le personnage ne manque ni d'allure, ni de fantaisie.
Renaissance
Encore quelques pas et je vois ce jeune homme, étudiant en art, portant des costumes m'évoquant la fin de la Renaissance. La richesse des vêtements est hallucinante. Bowie aurait apprécié... Je remarque que toutes les photos sont sur un fond beige, afin de recentrer au maximum l'attention du visiteur, sur le visage expressif du modèle et sur les costumes qu'il a choisi.
Eclat et poésie
Le poète Charles Baudelaire, dandy lui-même, qualifiait le Dandysme comme "Le dernier éclat d'héroïsme dans les décadences". Alors est-ce un hasard s'il relève fièrement la tête aujourd'hui... ? Je vous laisse juge. A travers cette exposition, Lycett met en avant une multitude d'individus qui préfèrent la singularité provocante au formatage paresseux. Comme leurs pairs, ils désirent transformer leur vie en une oeuvre d'art. Ils peuvent sembler arrogants, mais ils existent bel et bien... Si vous manquez d'idée d'habillement pour aller en soirée, si vous êtes fashion addict ou si vous voulez découvrir une nouvelle rébellion élégante, un nouveau phénomène de société, cette exposition est pour vous. Le renouveau du dandysme existe : je l'ai rencontré.
Galerie Isabelle Gounod : 13 rue Chapon 75003 Paris.
Du mardi au samedi, 11h - 19h.