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Channel: Art – Le blog de Thierry Hay
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Urbanartfair : première foire internationale de Street Art à Paris

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Le Carreau du Temple accueille jusqu'au 24 avril la première édition d'Urbanartfair. 30 galeries internationales pour découvrir ou redécouvrir les pionniers du Street Art et tous les aspects actuels de l'Art Urbain, qui envahie sans cesse nos villes et nos musées. Visite.

Vitrine de mode

A vrai dire, j'y vais en trainant, un peu, les pieds à cette exposition. Le Street Art est devenu une telle vitrine et un tel produit de marketing, pour collectivités locales, grands magasins, entreprises et marques de luxe soucieuses de leurs images, que je suis un peu perplexe. Cela fait des années que je parle et défends l'Art Urbain, alors je suis un peu déçu par cette évolution. Pour moi, le Street Art est avant tout un mouvement artistique, au même titre que le Cubisme ou la Figuration libre. Mais le titre ronflant de cette présentation au Carreau du Temple a de quoi impressionner : "Première foire internationale dédiée à l'art urbain". Et puis je vais retrouver quelques anciens copains, alors je presse un peu le pas...

Classicisme

Le bandeau tricolore de ma carte de presse déclenche un sourire du vigile, j'entre. Comme d'habitude, je décide de faire un petit tour général pour me faire mon idée. Je remarque quelques lignes de scotch fluo au sol et quelques dessins, qui essaye de cacher l'absence totale de scénographie. L'ensemble est d'une très grande sobriété : murs blancs, stands et œuvres accrochées sur les murs, comme partout. L'irrévérencieux Street Art aurait peut-être mérité mieux...

Les confidences du rat

En France, l'Art Urbain commence , en grande partie, avec Blek Le Rat (Xavier Prou). Ce pseudonyme vient d'un personnage de BD : Blec le roc. Xavier Prou entre aux Beaux Arts en 1972, quelques années plus tard il entame des études d'architecture. Il commence à peindre avec un copain sous le nom collectif de Blek, puis tout seul. En 1992, un tribunal le condamne à une forte amende. Il renonce à peindre directement sur les murs et colle des affiches déjà peintes. Dans les années 80, il intervient partout dans le monde, son rat dessiné au pochoir est célèbrisssime. Le rat est pour lui le seul animal vraiment libre dans la ville, un peu comme un street artiste... Ses peintures représentent des gens célèbres ou des anonymes. Je me souviens d'un SDF sur un banc avec un écriteau : "Do not disturb"... Blek Le Rat a souhaité, par son mode d'emploi, s'éloigné du style des graffeurs américains. Le parisien a donc innové. Je suis face à un tableau que personne n'a encore pris en photo, il est terminé depuis une semaine. J'ai l'autorisation de prendre un cliché, sympa. C'est une toile représentant des enfants qui tirent une corde. En face : le rat, autrement dit : Xavier Prou. Décryptage : l'artiste est toujours le plus fort... A méditer.

Blek Le Rat : Rope Pulling, 2016. Pochoir et acrylique sur toile, 195 cm x 114. Courtesy galerie Ange Basso / Photo Thierry Hay

Blek Le Rat : Rope Pulling, 2016. Pochoir et acrylique sur toile, 195 cm x 114. Courtesy galerie Ange Basso / Photo Thierry Hay

Humanité

En 1984 : Nowart voit les œuvres de Keith Haring : c’est le déclic. Une performance de Futura 2000 le renforce dans son idée de devenir un street artiste. Nowart s'intéresse à l'être humain, surtout aux têtes. Un visage peut en dire beaucoup mais aussi en cacher pas mal, alors ce créateur va encore plus loin, il se passionne pour les regards, les clins d'œil, les rictus qui dévoile la vérité profonde et la psychologie d'une personne. Il utilise des marqueurs à gouache pour obtenir une grande précision. En regardant ses travaux très colorés je pense à Picasso.

Nowart. Courtesy galeries Bartoux, France, USA, Angleterre, Singapore.

Nowart. Courtesy galeries Bartoux, France, USA, Angleterre, Singapore.

Lumières douces

Dans cette exposition, le Street Art est interprété dans sa vision la plus large, il y a même quelques toiles qui n'ont pas vraiment grand-chose à faire avec. Je continue ma visite de cette mini Fiac dédiée à l'Art Urbain, ce qui fait quand même plaisir. Un petit coup de cœur pour les toiles abstraites de Renk chez la toute jeune galerie PDP. Dès les années 2000, Renk laisse sa marque sur tout ce qu'il trouve, une façon de dire j'existe... Je remarque, dans les œuvres de Renk, la même lumière tremblotante et profonde, que chez Bonnard. En fait, j'apprends que les toiles de Renk sont une succession de l'écriture de son nom, à l'aérosol.

Renk. Courtesy pdpgallery. Photo Mathieu Latscha

Renk. Courtesy pdpgallery. Photo Mathieu Latscha

Nouveau code

Les parisiens connaissent bien Clet, "détourneur" professionnel de panneaux de signalisation : un vrai poète. Je me souviens d'avoir vu un panneau d'interdiction de stationner avec une tête de mort au beau milieu. La sécurité routière n'y avait pas pensé. J'ai aussi observé un panneau signalant la fourrière dans lequel la camionnette traîne une tour Eiffel : surprenant. Le travail de Clet peut se résumer en trois mot : humour, poésie, efficacité. Clet a troublé et réinventé la signalétique routière à Rome, Florence, Turin , Londres. J'observe ce sens interdit ,beaucoup plus poétique que d'habitude, dans lequel un policier offre tout son amour à l'éventuel contrevenant, pas fréquent...

Clet : Le Policier amoureux. Courtesy Street Artack, Paris.

Clet : Le Policier amoureux. Courtesy Street Artack, Paris.

Tigre de craie

Philippe Baudelocque reste souvent fidèle à la craie. Il aime son côté fragile, qui rappelle ces dessins plus ou moins bien fait des routards, qui cherchent à gagner leur vie. Si quelqu'un passe son doigt sur le dessin, il le brouille, mais cela renvoie aussi à la philosophie première du Street Art : une œuvre de rue qui doit disparaître tôt ou tard... Baudelocque a fait les Beaux Arts de Paris, avant de travailler dans le dessin publicitaire. Sa minutie vient de là. Il adore dessiner des animaux (tortues, gorilles, hiboux, rhinocéros) qu'il mélange avec des constellations planétaires, ce qui apporte un caractère universel à son œuvre. Ce tigre illustre bien sa cartographie artistique très personnelle...L'illustration ci-dessous, elle, est faite au pastel.

Philippe Baudelocque : Tigre, 2014. Pastel à l'huile sur toile. 100 cm x 100. Philippe Baudelocque ! / Courtesy galeire du jour agnès b.

Philippe Baudelocque : Tigre, 2014. Pastel à l'huile sur toile. 100 cm x 100. Philippe Baudelocque ! / Courtesy galeire du jour agnès b.

Sur le même stand, j'ai un petit coup de coeur pour deux "tambours" de Cleon Paterson. La composition suit avec précision les courbes du cadre circulaire. Le style m'évoque les poteries grecques antiques... Paterson est un ex marginal, qui vit et travaille à Los Angeles. Je me souviens d'avoir déjà vu au Palais de Tokyo une gigantesque fresque représentant des hommes nus se livrant à une danse meurtrière violente. Je reste logtemps devant ces deux tambours aux fonds rouge fluo : très beau.

Cleon Paterson : deux tambours. Corutesy galerie du jour agnes b.

Cleon Paterson : deux tambours. Corutesy galerie du jour agnes b.

Un monde aiguisé

Tiens, Shaka, à la galerie Lazarew. J'avais beaucoup aimé une grande tête lors de la méga exposition à la Tour XIII, en septembre 2013 : un immeuble, en face de Bercy, entièrement dédié au Street Art, avant démolition pour cause de sécurité. Ici, Shaka présente plusieurs toiles et cette étrange sculpture, vendue dès l'ouverture. Son style acerbe et précis est très facilement reconnaissable.

Shaka : toile et sculpture. Courtesy galerie Lazarew. Photo Thierry Hay

Shaka : toile et sculpture. Courtesy galerie Lazarew. Photo Thierry Hay

Couleurs et efficacité

J'admire chez Vroom et Varossieau un Che Guevara à tête de mort de D*Face : efficace. Cet artiste déteste la société de consomation. Je passe aussi devant plusieurs belles toiles colorées du pionnier Kool Kor, datant de 2015; chez le galeriste belge Francis Noël.

La bête sans la belle

Un des grands intérêts de cette foire parisienne est de mettre l'accent sur les nouvelles écritures du Street Art. Tous les artistes de rue sont attentifs aux innovations et recherchent sans cesse de nouvelles technologies plus ou moins applicables à l'art de rue. Un terme devenu un peu abusif puisque beaucoup de créateurs, exposent désormais régulièrement, dans les grandes galeries des quartiers très chics. Mais bon... Vermibus est un ancien publicitaire qui mène un combat acharné contre... la publicité et le consumérisme. Il récupère des affiches dans les abris bus, puis il attaque l'image avec un solvant. Il transforme ainsi le mannequin qui pose, en un monstre plus ou moins terrifiant. La belle devient la bête. Au nom de l'art, il dévisage le monde marchand. Rassurez vous, il existe des oeuvres beaucoup plus monstrueuses que celle-ci.

Vermibus : Ceniza Y Sed, 2015, solvant sur photo originale. 120 cm x 170. Open walls gallery, Berlin.

Vermibus : Ceniza Y Sed, 2015, solvant sur photo originale. 120 cm x 170. Open walls gallery, Berlin

Force et petit points

42b, une galerie bien connue des amateurs, présente quelques superbes toile de Hopare. Le même marchand expose aussi le pointillisme de Kan. Ce tableau représentant Bruce Lee a nécessité plus de 31000 points.

Kan : Bruce, 2016, 130 cm x 162. Courtesy galerie 42b.

Kan : Bruce, 2016, 130 cm x 162. Courtesy galerie 42b.

Relief

Inspiré par le peintre Kandinsky, Bacon et l'architecture des mégalopoles,  Roman Koenig propose une autre technique. Il superpose plusieurs photos, en jouant sur des formes géométriques superposées. Koenig utilise aussi une impression spécifique (UV Ink Print) et une multiplication de couches successives, qui donne une impression de relief à ses œuvres. Ce très jeune artiste qui vit et travaille à Paris, est né à Phuket (Thaïlande), en 1992. Je regarde ce visage, perdu parmi une multitude de traits et de symboles en tous genres.

Roman Koenig : Mémoire d'Egypte. Courtesy galerie NdF, France.

Roman Koenig : Mémoire d'Egypte. Courtesy galerie NdF, France.

Les mystères de la belle vie

Longtemps la planète Street Art s'est posé des questions sur Mr Brainwash. Existe-t-il vraiment ou est-ce un personnage crée par Banksy, pour se moquer encore une fois du marché de l'art ? Et certains ont encore des doutes. Mais Mr Brainwash a en fait une identité : Thierry Guetta. Il perd sa mère à l' âge de dix ans. Il ne s'en remet pas et cela le conduit à commettre quelques petits délits. Il est le cousin du célèbre street artiste Invader. Thierry Guetta se passionne pour la vidéo, il se filme avec plusieurs caméras dès qu'il travaille sur un mur. Grâce à l'intervention d'Invader, il suit avec ses caméras deux très grands artistes : Banksy et Shepard Fairey. Est-ce pour cela si les créations de Mr Brainwash rappelle sacrément le travail de Banksy : même style, même souci de la contestation politique, même goût pour surprendre l'observateur. Mr Brainwash s'est aussi fait connaître en collant, partout à New York, y compris sur les passants, des autocollants portant ce slogan : "Life is beautiful". En 2009, il a réalisé la couverture de l'album de Madonna : "Celebration". Michael Jackson lui aurait acheté une œuvre. J'oberse ce tableau dans laquelle le Street Art s'empare de la cité et manifeste sa différence. Ici, il rend aussi hommage à Banksy et à sa force artistique.

Mr Brainwash : Banksy. Courtesy galerie 34 Fine Art, Cape Town, Londres.

Mr Brainwash : Banksy. Courtesy galerie 34 Fine Art, Cape Town, Londres.

Expressionnisme abstrait

JonOne est aussi une célébrité du Street Art. Il utilise tout : bombe, pochoir, pinceaux. Dès ses débuts il est soutenu par Agnès B, une des premières galeristes en France à s'intéresser à l'Art Urbain. JonOne débute en 1980, à New York, dans le graffiti. Il signe "JON156" sur les wagons du métro. Il quitte New York pour Paris et réalise une nouvelle version du tableau de Delacroix "La liberté guidant le peuple". Très vite, les collectionneurs se ruent sur ses œuvres et cela a une conséquence : quelques faux circuleraient sur le marché... Cet artiste se décrit comme "un peintre graffiti expressionniste abstrait". J'admire une magnigique réinterprétation du tableau de Delacroix : "la liberté guidant le peuple". J'observe les couleurs, qui ne sont pas très éloignées de celles de l'original. Au passage, JonOne nous rappelle trois grands principes français...

JonOne : Liberté, Egalité, Fraternité. Lézards Urbains, Paris.

JonOne : Liberté, Egalité, Fraternité. Lézards Urbains, Paris.

Zapping

Autre Star : Speedy Graphito, un peu trop décoratif pour moi, parfois. Après des études à l'école Estienne de Paris, il devient maquettiste-graphiste. Il intègre le collectif "X Moulinex", mais il ne reste qu'un an. Il préfère voler de ses propres ailes. Il s'inspire de l'art pop, des comics américains, de Walt Disney, des jeux vidéos et de la pub. Il mélange le tout et crée des œuvres ultra colorées qui sont le miroir de notre époque. Il a aussi réalisé une fresque gigantesque à Evry : un diablotin rouge, entouré de ronds de couleur, sur 300 m². J'observe cette œuvre mouvementé, ci-dessous, belle illustration d'une société zapping, un peu noyée sous les images...

Speedy Graphito : Happy Life, 120 cm x 130. Galerie Berthéas les Tournesols, Paris.

Speedy Graphito : Happy Life, 120 cm x 130. Galerie Berthéas les Tournesols, Paris.

Police et positivisme

London Police est un duo d'artistes : Bob Gibson (né en 1977) et Chaz Barrison ( né en 1974). Rare dans le Street Art, ces deux anglais proposent des fresques positives, avec des petits bonhommes aux visages ronds, qui évoquent le célèbre Smiley. C’est aussi pour cela, si London Police a connu un succès dans le monde entier.

The London Police : Mer-made in Tokyo. Courtesy galerie Vroom & Varossieau.

The London Police : Mer-made in Tokyo. Courtesy galerie Vroom & Varossieau.

Du côté du roi

Le service communication m'a promis un grand focus sur le roi Banksy. J'adore ses pochoirs plein d' intelligence, d'humour et de férocité. Ses œuvres engagées sont des coups de poing dans la gueule de la société, qui s'arrange toujours avec les injustices. J'adore son œuvre. J'ai donc hâte d'admirer le "Solo show de Banksy, première exposition d('œuvres de Banksy jamais présentées en France". Avouez que ça fait envie... Mais il est où ce truc ? Je le découvre enfin : une petite salle pas du tout mise en valeur, où sept toiles, loin d'être les meilleures de battent en duel... Banksy méritait mieux, c’est un fan qui parle... J'observe deux tanks en train de copuler dans un cœur rose... Une voiture de police sur ses essieux... Et ce rat chaussé de lunettes 3D, qui observe une mouche. Etonnant non, comme disait Pierre Desproges...

Banksy : 3D Rat. Courtesy Vroom & Varossieau.

Banksy : 3D Rat. Courtesy Vroom & Varossieau.

Cette foire internationale n'est visiblement pas encore tout à fait au point, mais c'est la première version et l'idée est excellente. Elle frustrera peut-être les vrais amateurs, mais elle permettra, à coup sur, à un large public, de découvrir le mouvement artistique le plus important actuellement, et ses techniques extrêmement variées. Pour ma part, je reste persuadé, à quelques exceptions près, que les œuvres de Street Art, accrochés sur des murs, perdent une grande partie de leur force et de leur âme. Mais peut-on en vouloir au streets artistes d'avoir cédé aux sirènes du marché ? Il faut bien vivre ma brave dame... Allez, assez blablaté, je sors. Visiblement le collectif "9 concept" et ses sympatisants ont décidés de redécorer le quartier et de faire parler d'eux...

Panneau sens interdit à côté du Carreau du Temple pendant Urbanartfair 2016. Photo Thierry Hay.

Panneau sens interdit à côté du Carreau du Temple pendant Urbanartfair 2016. Photo Thierry Hay.

Carreau du Temple : 4 rue Eugène Spuller, 75003.

De 11h à 20h

Entrée : 12 euros.

 

 


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