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Channel: Art – Le blog de Thierry Hay
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Salon de Montrouge 2016 : des jeunes artistes en quête de sens

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Le beffroi de la ville de Montrouge accueille jusqu'au 31 mai le "Salon de Montrouge". Une nouvelle direction artistique qui propose 60 jeunes artistes venus de France, mais aussi de Belgique, du Brésil, de Chine, d'Espagne, d'Italie, d'Inde, d'Iran ou du Liban. Pour tout savoir sur l'art contemporain émergent. Visite.

Le Salon de Montrouge se porte bien, plus de 25000 visiteurs l'année dernière. Il fait suite au Salon de la jeune création contemporaine, créé en 1955. Pour cette 61e édition, tout change, une page se tourne, le dossier de presse est très clair : "Le salon entame un profond renouvellement en faisant appel à l'analyse esthétique, rigoureuse, d'Ami Barak, l'un des catalyseurs les plus actifs de la scène artistique contemporaine (ancien directeur du Frac Languedoc Roussillon et ex directeur du département d'art de la Ville de Paris). Un type aussi sympa que cultivé, que j'ai déjà rencontré lors de plusieurs expos. Traduction pour les non initiés, qui iront frapper à la porte de l'exposition : comme la plupart des événements culturels actuels, Montrouge fait appel à deux curateurs (Ami Barak et Marie Gauthier, directeur artistique associée). Le curateur, très tendance, organise, thématise, intellectualise une exposition et aujourd'hui, tout le monde en redemande. Il est même devenu un peu difficile, pour un artiste, d'exposer sans passer par un curateur... Ils ont donc beaucoup de pouvoirs. Parfois, leur action est très bénéfique, mais il arrive aussi que cela noie la présentation sous un discours politico-sociologico-philosophico-esthétique... Voilà, ça, c’est fait. Je reviens au salon de Montrouge, qui présente cette année 60 artistes, repérés par un comité de sélection, parmi 2500 dossiers. Une fois ce panel déterminé, les curateurs ont décidé de diviser l'exposition en cinq parties : "Chez moi, chez toi, chez les autres", Raconte moi la planète, Ironie de l'histoire", "La Veille des formes", "Je t'aime moi non plus, à la folie, pas du tout". A cela, il faut ajouter un hommage au "Cabaret Voltaire", lieu emblématique de Zurich, où le mouvement "Dada" est né il y a 100 ans : bonne idée.

Rouge

Le haut beffroi de Montrouge, lui, n'a pas changé. Il dresse toujours sa haute silhouette au dessus des cafés et habitations environnants. Je remarque le beau graphisme de Camille Baudelaire, dont l'affiche orne la façade....

Beffroi et affiche du Salon de Montrouge, 2016. Photo Thierry Hay

Beffroi et affiche du Salon de Montrouge, 2016. Photo Thierry Hay

Elina

J'entre, pour visiter les 1500 m² d'exposition. Un coup de cœur pour le travail surprenant du jeune alsacien Guillaume Barth. Je suis face à une structure noire circulaire, éclatée, dont le centre est doré à la feuille d'or : une réflexion sur la lumière qui surgit d'un noir extrême. Le noir s'est changé en or, l'artiste est donc une sorte d'alchimiste. Il est aussi la preuve qu'il y a toujours une issue, une guérison... Du même créateur, je regarde cette nouvelle planète, en briques de sel. Cet astre fragile, porte le doux nom d'Elina, allusion à un désert bolivien. En fait, c'est une vidéo et une photographie de dimensions équivalentes, installées sur un miroir d'eau : déconcertant.

Guillaume Barth : Elina, 2015. Sculpture, sel, eau. 150 cm x 300 x 300. Guillaume Barth

Guillaume Barth : Elina, 2015. Sculpture, sel, eau. 150 cm x 300 x 300. Guillaume Barth

Nuances

Je passe devant six encres de Chine de Yanick Bernède, né en 1981. Chaque œuvre représente un paysage mais je suis assez stupéfait par les nuances de noirs, de blancs et de gris. A force d'observer je découvre un mouvement dans les arbres, un chemin caché. Ce sont des paysages subtils qui incitent à une certaine méditation.

Espace fictif

Encore quelques pas et je me retrouve face aux toiles de Johan Larnouhet, né en 1988. Son travail tourne autour d'un espace réel, capable de se transformer en univers mental. L'artiste peint des toiles dans lesquelles le vide est le personnage pricipal. Il mélange intérieurs habités et objets réels à des formes géométriques inventées. En regardant cette toile, je ressens un grand sentiment de vide. J'ai les repères pour croire à une certaine réalité, mais j'ai aussi quelques élèments pour ne pas y croire tout à fait.

Johan Larnouhet : sans titre, 2015. Huile sur toile, 180 cm x 180. Johan Larnouhet.

Johan Larnouhet : sans titre, 2015. Huile sur toile, 180 cm x 180. Johan Larnouhet.

Passerelle

Mario D'Souza est d'origine indienne. Il propose une immense installation, dans laquelle il construit une passerelle entre Orient et Occident. Elle est constituée d'un grand mur jaune, symbole d'espoir en Inde. Il est recouvert de dessins abstraits ou tantriques, comprenez : érotique. La chaise d'écolier accrochée au mur symbolise l'Occident. Ce meuble est omniprésent dans le travail de D'Souza. Cet artiste aime redonner vie à des objets récupérés dans des décharges industrielles. Le tapis, au premier plan, symbolise l'Inde. La multitude de petits tubes, qui forment une toile d'araignée, renforce l'idée de fragilité et d'équilibre instable omniprésent dans cette installation surprenante. Dario D'Souza a 43 ans, il vit à Menetou-Salon. Mario D'Souza construit, à travers cette installation, un pont entre Orient et Occident, tout en soulignant la fragilité et la différence des cultures. Le message est clair : pas simple mais faisable...

Mario D'Souza : Emigrant party, 2015. Techniques mixtes. Courtesy de l'artiste

Mario D'Souza : Emigrant party, 2015. Techniques mixtes. Courtesy de l'artiste

Le soleil et la mort

L'œuvre de Marwan Moujaes est lourde de sens. J'entre dans une pièce minuscule. Face à moi : une image magnifique du soleil. Je regarde une courte vidéo, elle provient de la Nasa. J'apprends que ce film montre l'activité solaire du 21 août 2013 à 3h15, exactement le moment au Bachar el Hassad a commencé à gazer une partie de sa population. Il s'agit du bombardement chimique de Gotha (entre 322 et 1729 morts). Et pendant ce temps là, le soleil était toujours aussi magnifique...

Marwan Moujaes : 40 jours de deuil, 2015. Vidéo, soleil du 21 août au 3 octobre 2013, courtesy NASA/SDO. Marwan Moujaes

Marwan Moujaes : 40 jours de deuil, 2015. Vidéo, soleil du 21 août au 3 octobre 2013, courtesy NASA/SDO. Marwan Moujaes

Grand vide

Les photographies de Romain Kronenberg ne manque pas d'intérêt non plus. Ce parisien né en 1975, propose plusieurs clichés de la ville turque de Mardin, à la frontière syrienne. Mais ces grands immeubles fantomatiques, prévus pour accueillir des logement sociaux au milieu de nulle part, serviraient en fait au blanchiment de l'argent sale. Il est probable qu'ils ne soient jamais finis. Et cela, à proximité du site d'Ani, où se trouvent les plus vieilles églises byzantines. Kronenberg fait dialoguer les deux villes. La nuit qui arrive, va plonger les deux villes dans un épais silence, c'est ce que nous montre Kronenberg.

Romain Kronenberg : So long after sunset and so far from dawn, 2016. Vidéo-photographie, 6 minutes. Romain Kronenberg

Romain Kronenberg : So long after sunset and so far from dawn, 2016. Vidéo-photographie, 6 minutes. Romain Kronenberg

Secret espagnol

Il y a de plus en plus de monde dans les allées. Tiens, un rideau noir, je le pousse. Je découvre le documentaire stupéfiant d'Anna Lopez Luna, née en 19883 à Barcelone. Pendant 88 minutes, j'écoute des témoignages angoissants. Dans ce film "Enteerrar y Callar", Anna Lopez Luna réveille des fantômes espagnols, aux visages d'anges. Elle raconte comment des dizaines de bébés ont été volés à leurs parents, sous le franquisme. Elle met à jour à un système terrifiant, dans lequel pédiatres, gynécologues, infirmières et bonnes sœurs ont joué un rôle dans un commence d'enfants. Les paroles des parents se suivent les unes derrières les autres... Depuis 2010, il y a bien eu quelques procès mais... aucun n'a abouti et un silence de plomb entoure encore cette affaire... Je quitte la salle .

Derrière la cabane de plage

Pour me changer les idées j'observe le grand panneau recouvert de cabanes de plage, de Florian Viel. Le titre, "Life Is not a Beach", prévient l'observateur, que la vie ressemble plus à un parcours du combattant, qu'à un "long fleuve tranquille". L'aspect jovial de l'œuvre est donc une fausse piste et le néon est là pour rappeler le monde urbain et sa dureté, en opposition aux cabanes qui évoquent un souvenir de plage. Mais elles aussi, sont trompeuses car ce sont des postes de surveillance... Souvent, derrière la jolie façade guillerette se cache un abîme digne de l'enfer. Bon, je continue ma petite visite : pas très drôles les artistes cette année.

Florian Viel : Life is a beach. Techniques mixtes, 2016. Courtesy de l'artiste.

Florian Viel : Life is a beach. Techniques mixtes, 2016. Courtesy de l'artiste.

Le dieu aspirateur

Mais qu'est-ce que c'est que ça ? Devant moi, une jeune fille termine la réalisation d'un cercle en poudre de bois, au milieu duquel trône un vieil aspirateur. Florence Lattraye devra recommencer son cercle à chaque fois qu'un visiteur marchera dessus : une nouvelle version du mythe de Sisyphe ? Quant à l'aspirateur, il est là pour troubler les esprits et rappeler " Les Trente Glorieuses, quand progrès technique rimait encore avec bonheur... Aujourd'hui, nos certitudes ont tendances à disparaître comme la poussière sous un aspirateur...

FLorence Lattraye : Odd Habit Ghost-Manufrance, 2012. pièce d'aspirateur, bois, poudre de bois, câble. Photo Thierry Hay

FLorence Lattraye : Odd Habit Ghost-Manufrance, 2012. pièce d'aspirateur, bois, poudre de bois, câble. Photo Thierry Hay

Métropolitain

J'ai un gros coup de cœur pour une série de dessins de Yassine Bassaadoune. L'idée est osée et très intéressante. Il a placé plusieurs dictateurs, malheureusement très connus, dans le métro, au milieu des voyageurs; Je regarde Staline assis, à côté d'une jeune femme souriante : surprenant. Une façon de nous dire que les dictateurs peuvent être parmi nous... le mal, c'est nous. Pour renforcer l'idée de la fragilité de la démocratie, l'artiste a réalisé des cadres de papier... Si avec ça vous n'avez pas compris....

Caresser l'irréel

Un petit tour du côté du surréalisme et des comptes pour enfants avec les tableaux très étranges de Lise Stoufflet, née en 1989. En admirant ses toiles,je pense à André Breton, mais aussi aux affichistes du début du siècle. Lise Stoufflet propose souvent la succession du même personnage, cela devient presque angoissant. Mais est-ce surprenant puisque cette artiste s'inspire souvent de documents spirites et d'histoires ésotériques. En tout cas, c'est une peinture très personnelle qui mérité qu'on s'y intéresse... A quel étrange rituel nous convie l'artiste ?

Lise Stoufflet : Capuches, 2015. Peinture à l'huile sur toile. 170 cm x 140 x 2. Lise Stoufflet

Lise Stoufflet : Capuches, 2015. Peinture à l'huile sur toile. 170 cm x 140 x 2. Lise Stoufflet

Le salon de Montrouge évolue, une page se tourne. J'ai désormais l'impression d'une exposition de groupe, avec sa cohérence. Mais il devient beaucoup plus intellectuel, plus conceptuel, trop ?. Bien sur, j'y ai encore fait de très belles découvertes, mais il ne faudrait pas que le Salon de Montrouge" se mette à trop ressembler au Palais de Tokyo... Un seul petit bémol en vérité : les cartels sont trop bas, trop petits, et les textes ne sont pas assez explicites sur les démarches des artistes. Après tout, le grand public aussi a le droit de venir, d'autant que c'est gratuit...

Beffroi de Montrouge : 2 place Emile Cresp, 92120 Montrouge.

7/ 7j : 12h - 19h

Entrée libre

 

 

 

 

 

 


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