La galerie parisienne Tornabuoni Art présente jusqu'au 23 09 2017, la première exposition en France de l'artiste italienne Francesca Pasquali. Cette jeune créatrice joue avec le regard du visiteur et dévoile l'insolente beauté des objets qui encombrent notre vie de tous les jours. Visite.
Après avoir vu l’exposition Francesca Pasquali, vous ne regarderez plus de la même façon votre balai ou la paille que vous donnez à votre enfant, ou le miroir de votre salle de bain. Tous ces objets du quotidien acquièrent une singulière beauté, sous les mains créatrices de Francesca Pasquali. Avec elle, déchets plastiques, industriels, et objets banals, subissent une métamorphose et bénéficient d’une seconde vie. De plus, cette artiste propose une démarche originale, car elle adore que l’on touche la majeure partie de ses créations, et elle joue sans cesse avec le regard du visiteur.
Entre peinture et sculpture
La galerie Tornabuoni Art est en endroit merveilleux, caché derrière un porche imposant de la rue Charlot. J’entre et découvre une des plus anciennes œuvres de cette exposition, réalisée en néoprène blanc. C’est un grand rectangle, rythmé par une multitude d'éraflures et quelques verticales. Il illustre à quel point les œuvres de Pasquali sont tridimensionnelles et se situent entre la peinture et la sculpture.
Salade et bracelet
Je tourne la tête et remarque ce tableau extrêmement coloré. Il se résume à une foule, peut-être des milliers, de bracelets en plastique bon marché. Se situant dans la lignée du mouvement artistique contestataire des années 60, L'Arte Povera, Pasquali sublime le banal et élève au grade d’œuvre d’art les objets courants de la vie quotidienne. Mais contrairement aux artistes fondateurs de L’Arte Povera, Francesca Pasquali n’est pas engagée politiquement. Elle se contente de garder de L’Arte Povera, le culte de la poésie des matériaux.L' Arte Povera est né en opposition au pop art américain et au mercantilisme grandissant du marché de l’art. En 1968, l’artiste italien Giovanni Anselmo se fait remarquer en glissant des feuilles de salade, bien vertes, entre deux blocs de granit gris. Plus tard, le Centre Beaubourg achète cette œuvre... Un autre artiste, Michelangelo Pistolleto expose un amas de vêtements abandonnés. Le quotidien est rentré dans l’art, qui est dans tout et partout. Francesca Pasquali reste fidèle à cet état d’esprit, mais contrairement à L' Arte Povera, mouvement artistique très intello, très cérébral, Pasquali y rajoute une petite note Pop Art et ne dédaigne pas l’aspect purement décoratif de l’œuvre. Ces bracelets forment des touches de couleurs, comme un peintre le ferait avec son pinceau. On imagine bien cette œuvre dans le salon d’un riche homme d’affaire, au dessus de son canapé. Généralement, je n’aime pas du tout le mot décoratif, pour moi ce n’est pas un compliment. L’art n’a rien à voir avec le décoratif, mais je dois dire que Pasquali réussie à relier l’artistique et le décoratif, avec succès, et ces petits bracelets en sont la preuve. Ce tableau me fait aussi penser au Street Art, surtout Jonone.
L’œuvre au noir, nouvelle version...
Je continue ma visite et découvre cette œuvre noire, constituée de poils de balais. Ils sont coupés à différentes hauteurs.Tableau ou sculpture ? Les deux mon capitaine... Comme une œuvre de Soulages, le noir réagit à la lumière, il est plus ou moins foncé. Francesca Pasquali crée, à sa façon, des œuvres interactives car la perception du visiteur n’est pas la même en fonction et de son attitude.
Un rouge évolutif
A côté, je vois une autre version en, rouge. L’effet est le même. Pas de doute, Francesca Pasquali joue vraiment avec le regard et le positionnement du visiteur. En regardant ces œuvres, j’ai parfois l’impression que c’est la matière elle-même qui se transforme sous mes yeux.
Corps de balais
Tiens, des plumeaux, ça change des balais... Il n’est bien sûr pas du tout question pour Francesca Pasquali de faire le ménage, mais de surprendre encore l’observateur et de jongler avec les couleurs : la preuve.
Nuage et rapprochement
Avec son bel accent italien, la galeriste Francesca Piccolboni, m’invite à rapprocher la tête le plus près possible de cette composition, constituée de pailles. J’ai soudain le sentiment d’être dans un nuage ou dans une brume matinale. C’est assez surprenant. Francesca Piccolboni me révèle la technique employée par l’artiste : un panneau de bois enduit de colle, sur lequel la créatrice vient fixer des pailles, qu’elle coupe ensuite à différentes hauteurs, afin d’obtenir un effet cinétique, un peu comme Vasarely. La jeune créatrice porte une très grande attention à la couleur des pailles et ose souvent le fluo. Francesca Pasquali, travaille par séries, je trouve que celle des pailles est particulièrement réussie. En regardant celle-ci, j’ai un peu la sensation étrange d’être une abeille dans une ruche... Zzzzzzzzz...
Miroir et flou artistique
Ici, l’artiste va encore plus loin, elle insère de pailles dans un miroir. Les effets sont multiples : reflet, flou artistique, sensation de brouillard, rendu décoratif évident.
Labyrinthe
Contrairement à beaucoup d’artistes contemporains, Pasquali ne récupère pas ses matériaux, elle les achète. Ici, elle utilise du néoprène, la matière avec laquelle on fait les combinaisons de plongée sous- marine. En observant l’œuvre j’ai l’impression qu’elle bouge devant moi. Elle fait partie d’une série intitulée « Frappa », ce qui signifie « plissé » en italien. C'est aussi une pâtisserie ialienne à plusieurs niveaux, genre Mille-feuille. Il faut regarder cette œuvre d’abord de loin, puis de près. Mais il ne faut pas oublier de la toucher un peu, pour avoir une sensation physique surprenante. J’apprends que l’artiste a fait réaliser une œuvre identique en marbre. Je remarque qu’il y a dans cette série Frappa quelque chose de féminin : le jeu des courbes et celui de la découverte : Il faut savoir prendre son temps, ne pas se contenter du premier regard, car il y a toujours quelque chose de caché... Cette création est en fait un labyrinthe en mousse. Il me rappelle un monde sous-marin. En réalité, Pasquali se passionne pour les sciences et les recherches concernant l’ADN. Quoiqu'il en soit, c'est assez étonnant.
Noirceur et souplesse
Accroché à côté, voici la version noire. Je touche, la mousse est un peu plus souple. A chaque variation de lumière, la matière évolue et Pasquali, par sa méthode de création, veille à ce changement continuel.
Les œuvres de Francesca Pasquali figurent déjà dans de nombreuses collections publiques et privées, leur aspect ultra décoratif joue certainement un rôle dans ce succès... Mais je dois avouer, que cette artiste réussie l’exploit de faire réellement rentrer le visiteur dans l’œuvre. Cette exposition, tout public, est une surprise et une réjouissance pour tous les sens.
Galerie Tornabuoni : Passage de Retz 9 rue Charlot, 75003.
De 10H30 à 18h30 du mardi au samedi
Entrée libre