La Chapelle expiatoire présente, jusqu'au 16 décembre 2017, les sculptures textiles de Simone Pheulpin, à travers l'exposition : " Un monde de plis". L'occasion de découvrir un savoir-faire inédit. Visite
Simone Pheulpin vient de recevoir le Prix Le Créateur par la Fondation Ateliers d’Art de France, et cela est amplement mérité. L’artiste a installé ses sculptures textiles dans un écrin architectural, qui résonne avec elle : la Chapelle expiatoire. Située à deux pas des grands magasins, ce monument oublié des parisiens et des médias, présente une très belle coupole, cachée en partie par l’entrée d’un ancien cimetière. Cette chapelle fut érigée pour se faire pardonner la mort de Louis XVI, roi sacré à Reims. En effet, c’est là que le roi et Marie Antoinette ont été inhumés. Ce monument est le fruit de la volonté de Louis XVIII, en 1814. La réalisation est signée par l’architecte François Leonard Fontaine. Je dois avouer que je ne connaissais pas ce monument, construit sur un ancien cimetière.
Un lieu étonnant
Dès l’entrée de la chapelle, j’aperçois une douzaine d’œuvres de Simone Pheulpin, placées sur un grand cercle noir, qui reflète les sculptures et l’architecture de l’édifice. C’est assez étonnant. L’exposition Simone Pheulpin est la seconde exposition d’art contemporain dans ce monument public, qui dépend du ministère de la culture. J’espère qu’il y en aura d’autres.
L'art du pliage
Si la Fondation Ateliers d'Art de France a voulu mettre en lumière la créativité et la modernité du travail de cette artiste, c’est aussi grâce à une technique impressionnante et incomparable. Simone Pheulpin crée des sculptures textiles, avec des bandes de tissu de coton brut, qu’elle découpe, superpose et surtout... plie. Le pliage, c’est le langage de Simone Pheulpin. Mais la prouesse technique est ailleurs, les œuvres de Simone Pheulpin ne tiennent que par des épingles, il n’y a aucune colle. L’observateur n’en voit pas, elles sont dissimulées à l’intérieur de la sculpture : incroyable. Pour réaliser une œuvre, la créatrice travaille entre six et neuf mois. Il y a, en moyenne, 3 kilomètres de bandes de tissu et 5 kilos d’épingles dans une œuvre.
La preuve
Pour ceux qui auraient des doutes, cette radio le prouve. Un jour, l’artiste se rend chez un radiologue et c’est là qu’elle a l’idée de radiographier ses travaux. Elle veut prouver qu’il n’y a que des épingles. Le radiologue a été un peu surpris, mais je trouve que ces radios sont, elles aussi, des œuvres d’art.
Leçon de nature
Depuis trente ans, Simone Pheulpin met le monde en plis. Elle n’a jamais fréquenté la moindre école d’art, ni appris à tailler ou à modeler. « J’ai toujours aimé le tissu » me glisse-t-elle à l’oreille. Cet ancien professeur de tennis, partage sa vie entre Puteaux et les Vosges. Son inspiration est très simple : les arbres et les pierres. Avec le tissu, elle retrouve la complexité des formes de la nature et jongle avec la lumière. Il suffit de contempler cette belle sculpture, pour se croire dans un bois. Ici, chaque repli de l’étoffe évoque un tronc d’arbre, sa force, sa sérénité.
Savoir-faire
Au départ, elle ne fait aucun dessin, mais elle sait où elle veut aller. Bien sûr, il arrive que le tissu, en accordéon très serré, lui joue des tours, ma elle sait s’adapter et improviser. Dans le travail de Simone Pheulpin, il se passe quelque chose de curieux : elle enlève la souplesse du tissu et réussit, malgré tout, à lui donner du mouvement. Le savoir-faire de Pheulpin est inédit, et sans équivalent, quelques grands collectionneurs l’ont déjà compris.
Tour textile
Pour cette œuvre, l’artiste avait l’intention de réaliser une tour. Elle se met au travail, avec une certaine frénésie. A l’arrivée, elle obtient cette structure verticale, elle la baptise "Babel", allusion à l’image biblique, épisode dans lequel l’homme tente de rivaliser avec Dieu. Mais n’est-ce pas le rôle de l’artiste, de créer son propre monde, un peu comme Dieu, non ? Quoi qu’il en soit je regarde cette petite tour textile, et je remarque que la structure semble en mouvement.
L'oiseau et le temps
C’est encore la nature qui inspire Pheulpin pour cette réalisation. Dans son jardin vosgien, elle observe un nid d’oiseau, l’image reste dans sa tête. Mais comme toutes les sculptures de Simone Pheulpin, elle est aussi une réflexion sur le temps. L'idée de naissance est aussi très présente dans son oeuvre.
La nuit des temps
Il y a quelque chose de primitif, d’organique, dans le travail de cette artiste, ce qui n’empêche ni la grâce, ni la finesse. Plus je regarde ce travail, plus je pense à un conglomérat de coquillages. Cette œuvre semble venir de la nuit des temps.
Cabinet de curiosité
Je descends le petit escalier qui conduit à la crypte et à la sacristie. Je vois deux œuvres murales et découvre une dizaine de petits formats. Impossible de rater la plus grande réalisation de Simone Pheulpin : Décade. L’artiste réalise cette création pour répondre à un appel à projets, lancé par la Biennale Internationale de la Tapisserie à Lausanne, en 1987. Ce sont dix panneaux verticaux, sur chacun d’eux, un coquillage est accroché. Le dossier de presse évoque aussi un ventre de grossesse, peut-être. Pour cette création, afin d’obtenir à chaque fois les même dimensions, Pheulpin a dû travailler tous les panneaux en même temps.
Il y a vraiment une alchimie secrète, une spiritualité, qui émane des travaux délicats de cette créatrice. Ce sont des œuvres outre temps, proche de la nature, mais venues d’ailleurs, d’une vieille planète dont on ne connait pas tout. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, ces réalisations artistiques ne sont pas fragiles. Simone Pheulpin conseille même de passer l’aspirateur dessus, pour se débarrasser de la poussière, une preuve de plus de la qualité de ce travail. Ce sont des concrétions géologiques qui invitent au silence et à la méditation. Chaque œuvre est un morceau de poésie pure. J’ai pris un réel plaisir à découvrir ce lieu et cette exposition.
Chapelle expiatoire :Square louis XVI, 29 rue Pasquier, 75008 Paris