La Cité de l'Architecture & du Patrimoine présente jusqu'au 1er juillet 2018, une grande rétrospective sur Alvar Aalto, un des plus grands architectes et designers du XXe siècle. Inspiré par les paysages finlandais de son enfance, il a toujours placé l'homme et l'art au coeur de son processus de création. Visite
La dernière grande exposition Alvar Aalto à Paris, remonte à 30 ans. Il faut dire qu’on parle assez peu de la Finlande en France. Pourtant, Aalto a réussi l’exploit de placer l’architecture au service de l’individu et de l’intégrer au maximum dans le paysage. Un respect de la nature qui est aujourd’hui totalement d’actualité. Je suis sûr que quelques-unes de ses créations, devenues icônes du design, vous diront forcément quelque chose. La Cité de l’Architecture & du Patrimoine, persévère dans sa volonté de faire mieux connaître les grands noms de l’architecture européenne. Pas question pour moi de rater cette exposition sur le principal ambassadeur de l’architecture et du design nordique, très tendance aujourd’hui.
L'influence italienne
J’arrive pour le vernissage presse, je suis accueilli par plusieurs sourires : sympa. J’entre et j’apprends qu’Alvar Aalto, né en 1898, réalise son premier projet de villa dès ses quatorze ans. Son père est arpenteur-géomètre en forêt. son amour de la nature vient probablement de là. Après son diplôme d’architecte à l’université d’Helsinki, Aalto crée tout de suite sa propre agence. Il se marie avec une architecte : Aino Marsio. Alvar est d’un tempérament volcanique, Aino, beaucoup plus sereine. Le voyage de noces se déroule en Italie. Alvar Aalto découvre le style toscan du XVe siècle, inspiré de l'antiquité et privilégiant l'esthétisme avant tout. Cela l’influencera longtemps. Dès son retour d’Italie, Aalto travaille sur de nombreux projets d’édifices religieux. En effet, après la fin de la domination russe et la naissance de la nation finlandaise en 1917, le pays, soucieux de souligner son attachement à la culture occidentale, se lance dans la construction de nombreuses églises. J’observe ce dessin de l'église de Muurame, on voit tout de suite que la lumière est très importante pour le jeune architecte.
Une nouveauté dans la presse
Dès le début de sa carrière, Aalto se passionne pour les médias. En 1928 - 1930, il conçoit le siège de la rédaction du journal Turun Sanomat. Il imagine une grande salle de presse avec des colonnes champignons. Grâce à un projecteur, il diffuse chaque jour sur la façade, la une du journal. Pour Aalto, l’architecture ne doit pas être seulement fonctionnelle mais aussi faire appel aux sens, et ne jamais oublier l’Homme.
A l’écoute des malades
En 1929, Aalto remporte un concours pour la construction d’un sanatorium à Paimio. Il conçoit son bâtiment comme un « outil médical ». Il laisse entrer considérablement la lumière. La partie où sont logés les malades possède un ascenseur panoramique sur sa façade ouest. Il place l’édifice en pleine nature, et invente une promenade devant l’aile centrale, afin que les tuberculeux puissent prendre l’air régulièrement. Il va même jusqu’à prévoir des lavabos dans lesquels l’eau s’écoule sans bruit pour ne pas déranger les patients.
Le grand inventeur
Dans le sanatorium de Paimio, il crée tout : le mobilier, les luminaires, les poignées de porte. A Paimio, il poursuit et affine ses recherches sur un mobilier léger. Il reprend la technique du bois lamellé collé, moulé à chaud. Il la pousse à son maximum et invente des sièges d’une douceur et d’une sensualité incroyable. Ces fauteuils n’ont pas pris une ride, leur beauté est intemporelle.
Jolies courbes
Je découvre plusieurs meubles d’Aalto, dont ce fauteuil, aux lignes qui bouleversent tous les sens. L’assise présente une légère courbure pour épouser au mieux la forme du dos, les pieds sont aussi gracieux qu’une calligraphie japonaise. J’adore.
Un homme d’affaire
En 1935, Aalto a la bonne idée de créer, avec son épouse, la société Artek, afin d’éditer en série son mobilier. Cela permet aux produits Artek d’obtenir une large diffusion en Europe et aux Etats-Unis, et au créateur d’obtenir une vraie reconnaissance internationale. Son vase Savoy est considéré aujourd’ hui comme une icône du design mondial.
Une bibliothèque lumineuse
A Viipuri, aujourd’hui en territoire russe, Aalto réalise une grande bibliothèque. L’architecte a coutume de dire à ses proches que : « L’art abstrait et l’architecture puisent leurs racines dans le subconscient ». Un jour, dans un demi-sommeil, il voit une montagne et un rayon lumineux. Il décide que la bibliothèque de Viiipuri ressemblera à cela. Il crée 57 puits de lumières et invente un plafond aux multiples courbes, rappelant les paysages de Finlande. L’ensemble ressemble à un doux rêve.
Simplicité, sensualité, luminosité
En 1937, Alvar Aalto réalise le Pavillon finlandais de l’Exposition internationale des arts et technique dans la vie moderne, à Paris. Son projet s’intitule : « Le bois est en marche ». C’est l’occasion pour lui de mettre en avant tous les produits finlandais. Quelques années plus tard, il conçoit le pavillon finlandais pour l’Exposition universelle de New York. Aalto y présente un grand cube blanc, dans lequel il introduit un mur courbe et des panneaux en pin. Bref, il reste fidèle à lui-même : simplicité, sensualité, luminosité.
De l’importance de l’art
Aalvar Aalto se sent très proche des artistes. Pour lui, la matière est le trait d’union entre tous les arts, architecture comprise. De plus, architectes et plasticiens travaillent sur la même chose : la forme. Je regarde plusieurs cadres en bois d’Aalto. A côté, il y a un bas-relief de Jean Arp, la filiation est évidente. En 1937, à Paris, il rencontre Calder. Il est évident que les lignes courbes des mobiles de l’artiste, ne le laissent pas indifférent. De plus, Aalto se lie d’amitié avec le peintre Léger. Les deux ont les même préoccupations : faire évoluer les formes, travailler sur la notion de matière et rassembler tous les arts. Tous ces artistes l’influenceront, mais aussi l’art japonais. Il le découvre dans les livres et grâce à un ami : l’ambassadeur du Japon. A toutes ces influences, il faut en rajouter une autre : la découverte du travail architectural de Frank Loyd Wright et de sa fameuse maison sur la cascade.
La vie en forêt
C’est la tête remplie de toutes ces découvertes, qu’il répond à la commande d’un couple d’amis. Pour eux, il construit son chef d’œuvre : la Villa Mairea. Elle est située dans une forêt de pins. Aalto dessine un plan en U comprenant espace d’habitation et sauna, reliés par une galerie couverte d’un toit végétal. Au rez-de-chaussée : un hall d’entrée, une salle à manger, un séjour, un salon de musique forment un grand espace unifié et totalement ouvert.
L’architecture en pente douce
L’art, il adore. En 1956, à la Biennale de Venise, il rencontre le grand marchand d’art Louis Carré. Partageant le même amour pour les mêmes artistes, Picasso, Calder, Léger, il demande à Aalto de concevoir sa maison. Le chantier commence en 1957, à Bazoches-sur Guyonne, près de Versailles. C’est l’unique témoignage de l’architecture d’Aalto en France, c'est dire son importance. Cette Villa Carré se visite tous les week-ends et sur rendez-vous. La maison offre plusieurs points communs avec la villa Mairea. L’architecte impose une très grande fluidité et conçoit une bibliothèque. Une fois encore, Aalto réalise tout, le mobilier, les luminaires, les poignées de portes et les tissus d'ameublement. Cette belle villa au toit pentu est une œuvre d’art à part entière. Elle est inaugurée en 1960, en présence de 300 invités, et entre 1961-1963, Aalto y ajoute une piscine.
Standardisation
Après la première guerre mondiale, les besoins explosent dans toutes les sociétés européennes. Aalto s’inspire des arbres fruitiers, chaque fleur est différente, mais toutes sont sur la même branche. Il invente donc un pied en L, adaptable à des tabourets, des chaises ou des tables : pratique comme pour le fabricant.
Toujours à la mode
Avant de partir, je vois quelques luminaires d’Alvaar Aalto. Ils ne choqueraient absolument pas dans un appartement actuel. C’est, une fois de plus, un beau mélange de fonctionnalité et de sensualité. Et comme dans tout ce qu’il fait, Aalto veille au moindre détail.
Durant plus de cinquante ans, l’architecte participe à la conception de 500 bâtiments et projets, en Finlande et dans 18 autres pays. Il meurt en 1976, à Helsinki.
La Cité de l’architecture propose aussi de nombreux dessins architecturaux, dont la plupart sont exposés pour la première fois en France. Cette exposition, à la scénographie très sage et très simple, permet de comprendre la totalité de l’œuvre d’un créateur, écologiste avant l’heure, humaniste et novateur. Si vous vous intéressez au design ou à l’architecture, elle est pour vous. En ce qui me concerne, j’y ai pris beaucoup de plaisir.
Cité de l’Architecture & du Patrimoine
45 avenue du Président Wilson
Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 11h à 19h
Entrée : 9 euros / TR : 6