La Galerie des Galeries présente jusqu'au 10 septembre 2016 plusieurs étonnantes et impertinentes installations, du duo italien créatif Maurizio Cattelan et Pierpaolo Ferrari, à travers l'exposition : TP-rama. Pour que leurs images circulent à travers le monde, les deux artistes ont créé le magazineToiletpaper. En quelques années,Toiletpaper est devenu une marque et un état d'esprit. Visite.
Difficile de passer à côté des œuvres de Maurizio Cattelan, il s'est fait connaître du grand public avec une statue en cire d'Adolf Hitler, à genoux. Il attire encore tous les regards avec une sculpture intitulée "La neuvième heure", représentant le pape Jean-Paul II, à terre, frappé par une météorite. Quelques années plus tard, en 2010, il réalise à Milan, un doigt d'honneur de 11 m de haut, qu'il place juste en face du palais de la Bourse. Son sens continuel de la provocation attire les médias et excite les collectionneurs du monde entier. Vers les années 2000, son succès est immense. Ce drôle d'oiseau, né en 1960, interroge, séduit, provoque : la planète artistique adore et en redemande. En 2011, il affirme "pendre ses œuvres comme des salamis", dans l'atrium du musée Guggenheim de New York. Mais la même année, lassé par le marché de l'art et son culte de l'argent, il fait officiellement ses adieux. Très vite, il s'embête, il ne supporte pas de ne plus travailler, alors il revient avec... un WC en or, intitulé América... Le nom d'une marque de bière... Devant des journalistes, il affirme avoir voulu lui donner comme titre : France... C'est aussi, bien sûr, un hommage au premier ready-made, le célèbre urinoir de Marcel Duchamp. Il travaille de plus en plus et fonde avec le photographe de mode et de publicité Pierpaolo Ferrari, le magazine semestriel de photos "Toiletpaper".
Duo
Un jour, il y a plus de dix ans, Pierpaolo Ferrari vient photographier Cattelan. Ils discutent, une amitié débute. Ils travaillent ensemble pour le magazine W. Aujourd'hui, les deux compères exposent leurs travaux à Paris. Pour ce faire, il se sont emparés de toutes les Galeries Lafayette, vitrines comprises. Mais le clou du spectacle est une exposition à "La Galerie des Galeries". J'arrive devant, en me demandant comment Cattalan et son complice, vont encore réussir à surprendre le public. L'art de Cattalan : se moquer du monde l'art et de la haute finance, et dans le même temps, en profiter largement... Bravo l'artiste : j'ai hâte d'admirer le dernier épisode parisien. Visiblement je ne suis pas le seul, il y a un monde fou. Beaucoup ont soigné leur look. Cattelan a visiblement l'intention de s'amuser, il arbore un joli boxer short orange, la preuve :
Le duo Pierpaolo Ferrari et Cattelan a reconstitué un appartement façon années 60, ultra coloré. J'aperçois un tapis décoré d'une immense grenouille, un table vernie au décor de serpents, un bureau années 50, une toile cirée-charcuterie et un miroir affichant une belle paire de fesses avec une carte à jouer au beau milieu... Bien sûr, beaucoup de produits dérivés sont à vendre...
Détournements
Toiletpaper a un principe : mettre un grand coup de pied au cul aux codes visuels de la mode, de la publicité et du cinéma. C'est aussi une façon de critiquer vertement la société de surconsommation actuelle. Techniquement, le magazine reprend les couleurs très saturées de la presse d'autrefois. L'ensemble est "méchant" et pourrait, dans certains cas, rappeler le professeur Choron et son redoutable Hara Kiri. L'idée de Toiletpaper : refuser toute culture dominante et pratiquer sans modération le culte de la liberté. Il désire aussi nous faire réfléchir sur le pouvoir d'une image. Sur cette photo ci-dessous, la grande distribution en prend pour son grade. Au rayon viande d'un supermarché, un homme offre une barquette à une jeune femme, visiblement touchée par ce beau cadeau. Les deux sont habillés façon vintage et les couleurs sont plutôt criardes. C’est une vraie demande en mariage, mais c'est surtout une belle parodie de la publicité.Toiletpaper critique tous ces spots, qui encombrent les écrans mondiaux et en particulier ceux des Etats-Unis.
La princesse du XXIe siècle
Un peu plus loin, c'est une vrais fausse princesse moderne, entourée d'une foule d'objets. Je remarque aussi des ciseaux et des louches sur la traîne de sa robe. C’est un comte de fée actuel. Elle a tout, elle veut tout et tape sur une machine à écrire le récit de sa vie follement palpitante, à moins qu'elle n'attende un prince charmant, avec une grosse bagnole. Une image qui, à travers la mode ou la publicité, est censée faire rêver...
Créatures
Comme dans les magazines de mode, où les corps des femmes, se transforment parfois en objets, Cattelan et Pierpaolo Ferrari présentent ces demoiselles, dans des poses lascives. Elles sont alignées comme des bibelots sur une étagères. Deux tirent la langue et les draps de bain sont bleu blanc rouge... Je me demande un peu pourquoi. Ces créatures superbes, pourraient être issues d'une scène de cinéma ou d'un magazine de presse.
Foisonnement
Le monde de Toiletpaper est très kitsch, il grouille d'oiseaux, de mains aux ongles vernis, d'avions, de fleurs sensuelles, de personnages dans des poses ridicules. L'idée de surconsommation et de rêves fabriqués sur un air de marketing, est omniprésente.
Le croissant et la grenouille
Une baignoire attend sa starlette. Elle est recouverte de croissants, de gauffres, de macarons, scotchés aux murs. Allez y messieurs dames : gavez vous... Une autre photo représente un burger avec une grenouille en guise de steak haché, allusion à la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf ? Possible. Partout, la nourriture déborde et cela devient presque insupportable pour le visiteur, mais c'est le but recherché. "Ces images sont remplies de tension, ce sont des visions électriques" précise le duo créatif.
Les gros œufs
Sous la belle coupole du grand magasin, qui propose beaucoup de marques de luxe, les deux artistes ont imaginé de s'en prendre au mythe du célèbre séducteur français : celui qui croit, à l'étranger, que toutes les femmes l'attendent parce qu'il est français... Ils ont donc érigé une tour Eiffel géante, flanquée de deux gros œufs. Elle est de couleur or, recouverte de motifs qui évoquent une grande marque de bagagerie de luxe... Cette énorme allusion à un sexe masculin prend de la place et attire bien des regards. C’est aussi une réponse artistique et provocatrice au plug anal de Paul Mac Carthy, installé place Vendôme, lors de la Fiac 2014. Les médias en avaient beaucoup parlé car il avait été vandalisé. Un DJ assure l'ambiance, Cattellan s'essaye à deux pas de danse. Maurizio Cattelan et Pierpaolo Ferrari n'arrêtent pas de s'amuser : deux sales gosses, deux arlequins, qui ont décidé de combattre le royaume des apparences.
Courage
A chaque installation, on prend une petite claque. Mais cette méchante ironie fait un bien fou car c'est une moquerie salutaire... Je trouve que les Galeries Lafayette, temple de la consommation, ont eu du courage d'exposer ces deux Don Quichotte irrévérencieux. Et puis, leurs installations sont très belles, elles ont une valeur décorative importante. C'est cash, c'est trash, mais c'est aussi très rigolo." Nous nous emparons du chaos schizophrénique d'images produites et nous le canalisons en une nouvelle identité" affirment les deux artistes de Toiletpaper.
Dernière info
Toiletpaper participe cette année aux Rencontres de la photographie d'Arles. Il s'empare de tous les panneaux d'affichage qui entourent l'enceinte du festival : une autre occasion de découvrir ce deux artistes tendance boxeurs... En ce qui me concerne, je crois que Cattelan a bien fait de ne pas raccrocher les gants. Je pense aussi à cette phrase de Romain Gary dans "La nuit sera calme" : "Le rire, la moquerie, la dérision sont des entreprises de purification, de déblaiement, ils préparent des salubrités futures"...
Galerie des Galeries : 1er étage Galeries Lafayette
Du mardi au samedi de 11h à 19h
Entrée libre
Vitrines : 6 – 27 juillet
Installation sous la coupole : 6 juillet – 27 août
Exposition "TP-rama" à la Galerie des Galeries : 6 juillet - 10 septembre