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Channel: Art – Le blog de Thierry Hay
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10 bonnes raisons d'aller au salon du dessin contemporain Drawing Now

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Le Carreau du Temple présente jusqu'au 26 mars 2017, Drawing Now.Toutes les tendances du dessin contemporain sont représentées. Un rendez-vous où amateurs, collectionnneurs, professionnels et artistes se retrouvent. 20% des galeries exposent pour la première fois sur le Salon. Année après année, le dessin a su s'imposer dans les foires internationales et les galeries. Aujourd'hui, il affiche sa liberté et son savoir-faire. Visite.  

Chaque année, au printemps, la ville de Paris se place sous le signe du dessin contemporain. L’événement le plus important est « Drawing Now », au Carreau du Temple. Depuis 2007, il propose au grand public et aux collectionneurs une rencontre unique avec le medium dessin sous toutes ses formes. Cette année, les organisateurs présentent 72 galeries dont 40% d’exposants internationaux, avec cette fois-ci l’arrivée de nouvelles contrées, de l’Afrique à la Corée, du Portugal à la Hongrie. Pour cette 11e édition, le salon est donc très international. Face à un monde qui semble se fissurer un peu, à la montée des extrémismes et aux craintes écologiques, les artistes jettent-ils leurs angoisses ou leurs colères sur la feuille blanche ? Ou bien le dessin fait-il encore rêver ? Et bien j’ai hâte de le savoir. En fait, je me pose peut-être les mauvaises questions, car le dessin échappe à toute définition. C’est avant tout un espace de liberté et c’est pour cela, que depuis de nombreuses années, il a trouvé sa clientèle, toutes générations confondues. Allez, je me faufile dans le métro, direction la grande verrière du Carreau du Temple. Devant la façade principale, un grand panneau vert signale le salon du dessin, impossible de le rater.

Façade du Carreau du Temple, Drawing Now 2017. Photo Thierry Hay

Façade du Carreau du Temple, Drawing Now 2017. Photo Thierry Hay

Alchimistes

J’entre et découvre la multitude de stands qui compose Drawing Now 2017. Je décide de faire un tour général pour ressentir la tendance de l’année. C’est très vite vu : les artistes osent, ils « s’amusent » avec tous les supports, toutes les techniques. Ils se transforment en petits chimistes, petits alchimistes. Ils utilisent toutes les matières. L’autre tendance que je note, est un très haut niveau technique, un savoir-faire encore plus important que les autres années.

Rouge sur blanc

La première illustration de ce que je viens d'affirmer, je la trouve à la Galerie 111. Elle présente un artiste qui travaille uniquement au crayon de couleur rouge : Pedro A.H Paixao. Il peut mettre quatre ans à réaliser un petit dessin. C’est la pression de la main sur le crayon qui détermine la force du trait. Pour mieux me rendre compte de la prouesse technique, la galeriste me propose une loupe. Sur ce dessin, Pedro A.H Paixao rend hommage à la star du Jazz : Nina Simone

Pedro A.H Paixao : Petite couronne de diamant (Nina Simone in mémoriam), 2015. Crayon de couleur sur papier, 20,9 cm x 14,8. Courtesy galeria 111

Pedro A.H Paixao : Petite couronne de diamant (Nina Simone in mémoriam), 2015. Crayon de couleur sur papier, 20,9 cm x 14,8. Courtesy galeria 111

Une leçon d’Histoire

A la galerie C, Lionel Sabatté essaye de rendre le dessin sculptural. Il utilise de curieux matériaux : poussière, bronze oxydé, décomposition d’organismes marins, charbon, curcuma, sans oublier un mélange d’acrylique et de pétrole. Son travail édifie un pont avec l’art pariétal préhistorique. Il nous ramène à l’essentiel, au commencement, à l’organique, aux profondeurs abyssales du début de notre planète. Cet artiste audacieux, né en 1975 à Toulouse, s'amuse subtilement avec l’histoire de l’humanité. Il vient de remporter le prestigieux prix Drawing Now 2017. En 2016, Lionel Sabatté a été nommé vainqueur du prix Patio de La Maison Rouge, haut lieu de l’art contemporain, que j’évoque régulièrement dans ce blog.

Lionel Sabatté : Caresse boisée, 2016. Charbon, medium acrylique et curcuma sur papier. 80 cm x 120. Courtesy galerie C

Lionel Sabatté : Caresse boisée, 2016. Charbon, medium acrylique et curcuma sur papier. 80 cm x 120. Courtesy galerie C

Cabinet de curiosité

Odile Ouizman propose un créateur qui collectionne les masques mexicains et se dit « jaloux des objets ». Il dessine au fusain et au pastel sec des objets, parfois imaginaires. En rassemblant plusieurs œuvres, la galeriste donne à sa présentation l’aspect d’un cabinet de curiosité, ce qui correspond parfaitement au travail de Mark Velt. Je suis frappé par la blancheur faiblement lumineuse qui se dégage de chaque dessin. Dans ce travail, le réel semble n’être qu’un vague souvenir, l’imagination et une certaine nostalgie ont pris le pouvoir. Ce sont des dessins très énigmatiques.

Mark Velk : Still Life, 2016. Fusain sur papier. Courtesy galerie Odile Ouizeman

Mark Velk : Still Life, 2016. Fusain sur papier. Courtesy galerie Odile Ouizeman

Conte de fée

Sur le stand d’Anne de Villepoix, je découvre les œuvres naïves, surréalistes et poétiques de Franck Lundangi. Ce sont des aquarelles, comme celle-ci, représentant des hommes-animaux. Il y a un aspect chamanique dans ce travail coloré. L’homme-cheval tient deux plantes et repose sur une sorte de planète terrestre. Il est lui même un étrange végétal. Chacun peut voir ce qu’il veut, dans ce rêve sur papier. C’est une aquarelle magique, mais aussi très enfantine. A ma grande surprise, j’apprends que Frank Ludangi, 50 ans, est un ancien footballeur angolais.

Frank Lundangi : le mystère de la vie, 2016. Aquarelle sur papier, 76 cm x 56. Courtesy galerie Anne de Villepoix, Paris

Frank Lundangi : le mystère de la vie, 2016. Aquarelle sur papier, 76 cm x 56. Courtesy galerie Anne de Villepoix, Paris

Force

Tout d’un coup, j’arrive au bout d’une allée, dans un petit stand, décoré par deux fauteuils vieillots et une petite table. Là, je découvre un artiste assez exceptionnel, que ce soit pour la qualité de son œuvre, comme pour la singularité de sa courte vie. La galerie Tristan a eu du flair en s’intéressant à Stéphane Mandelbaum, après la lecture d’une interview de Robert Combas, dans lequel le célèbre artiste fait part de son admiration pour Mandelbaum, artiste belge, né le 8 mars 1961 à Bruxelles. J’observe quelques dessins et j’ai un vrai coup de cœur. L’œuvre de Mandelbaum n’a rien d’anecdotique, sa vie non plus. Son père est un peintre reconnu, admirateur de Francis Bacon, le fils ne l’oubliera pas. Il réalise de nombreux portraits de Bacon et de son ami George Dyer. Stéphane Mandelbaum est dyslexique et il a tendance à se refermer sur lui-même, mais il fréquente les cours de gravure de l’Ecole des Arts d’Uccle. A quinze ans, il va au cinéma, avec son père, voir les films de Pasolini. Petit à petit, il développe un véritable culte pour tout ce qui transgressif, voir violent. Il revendique aussi ses racines. Stéphane Mandelbaum est très beau jeune homme, totalement tourmenté et autodestructeur. Le sexe est très présent dans son œuvre. Mandelbaum fréquente les milieux du proxénétisme et du grand banditisme. A vingt cinq ans, il est exécuté par un de ses comparses, suite au vol d'un Modigliani, qui se révèle être un faux... On retrouva son corps en décembre 1986, rongé par l'acide, près d’une écluse de Namur. Face à moi, trois dessins, représentant le nazi Goebbels. Mandelbaum dessine, à sa façon, l’ignominie nazie. Sur l’un des dessins, il représente un sexe masculin devant le visage, façon de dire que tous ces dignitaires nazis avaient de gros problèmes sexuels. Mais c’est surtout la force du dessin qui est intéressante, Goebbels est une espèce de pantin de profil, une tête de mort hallucinée. En regardant cette œuvre, je pense à Egon Schiele, à Antonin Artaud. Il y a une prise de risque et un sentiment d’urgence derrière chaque trait de fusain, c’est très fort. Mandelbaum, petit frère inconnu de Van Gogh et Antonin Artaud, Pasolini belge, aurait dû vivre plus longtemps... Je suis heureux de cette découverte artistique.

Stéphane Mandelbaum : Goebbels circa, 1980. Fusain sur papier, 73 cm x 55. Provenance : famille de l'artiste / Galerie Tristan

Stéphane Mandelbaum : Goebbels circa, 1980. Fusain sur papier, 73 cm x 55. Provenance : famille de l'artiste / Galerie Tristan

Ombre et réalité

Chez Aline Vidal, Arni Sigurdsson joue avec des structures en aluminium et surtout leurs ombres. En fait, ce sont elles qui forment le dessin. Cette étrange composition fait référence au sol craquelé de lave solidifiée, fréquent en Islande. Comme tout visiteur, je regarde en deux temps, d’abord la sculpture de fer, puis le reflet. Lequel est le plus important semble nous demander le créateur...

Sigurdur Arni Sigurdsson : Solidified surface 2, 146cm x 245. Courtesy galerie Aline Vidal

Sigurdur Arni Sigurdsson : Solidified surface 2, 146cm x 245. Courtesy galerie Aline Vidal

Le secret des mathématiques

Un peu plus loin, je découvre à la galerie Berst, les étranges formules mathématiques de Melvin Way, artiste américain de 58 ans. Mais lui pense avoir... 473 ans, juste un petit delta... Après des études de sciences et de mathématiques, Melvin Way, totalement schizophrène, dessine des équations mathématiques colorées, qui expliquent le monde, et surtout l’aide à vivre au quotidien. Il porte ces papiers sur lui, pliés en quatre, afin de se protéger des "mauvais esprits" de la société. Ce sont de petites œuvres chamaniques et charmantes Elles ressemblent souvent à des azulejos portugais, ces carreaux de faïence, très présents à Porto.

Melvin Way : 035. Courtesy galerie Christian Berst

Melvin Way : 035. Courtesy galerie Christian Berst

Star et stylo

Je file au sous-sol, là où est exposé une vingtaine de galeries émergentes. Chez Olivier Castaing, je me retrouve nez à nez avec un grand dessin de l’artiste Konrad. C’est un portrait de Vincent Cassel, entièrement réalisé au stylo bille : incroyable. Chaque ride de l’acteur est là, son regard pénétrant aussi. Konrad a même signifié le reflet de lumière sur l’arête du nez. Combien d’heures pour réaliser cette prouesse technique ? Je n’ose le demander. C’est un exploit technique, mais curieusement, je ne ressens pas beaucoup d’émotions face à ce beau portrait.

Konrad : Portrait de Vincent K, 2016-2017. Dessin au stylo à bille. Konrad / School gallery-Olivier Castaing

Konrad : Portrait de Vincent K, 2016-2017. Dessin au stylo à bille. Konrad / School gallery-Olivier Castaing

Territoires

Je me souviens d’avoir vu su Salon de Montrouge, il y a quelques années, les travaux de Marta Caradec, née en 1978. Elle travaille à partir de vraies cartes géographiques, qu'elle choisit en fonctions des motifs, puis elle couvre le document initial par de très nombreuses ramifications, territoires imaginés, fausses frontières. C'est un travail discret, sensible. Marta Caradec vit aujourd'hui en Allemagne, elle a commencé sa carrière aux Arts Déco de Strasbourg, section bijou. Avec cette artiste, le visiteur se transforme en géographe ou en archéologue.

Marta Caradec : Baie de Santander, 2012. Gouache et encre sur carte, 75 cm x 105,5. Courtesy galerie Réjane Louin

Marta Caradec : Baie de Santander, 2012. Gouache et encre sur carte, 75 cm x 105,5. Courtesy galerie Réjane Louin

La teuf

C’est la fête, ses plaisirs, ses abus, que dessine Thomas Levy-Lasne. L’ensemble du stand de la galerie Backslash est recouvert de petites aquarelles. Je trouve que chaque dessin présenté, ressemble à une image de cinéma. Normal, Thomas Levy-Lasne est aussi réalisateur. L’artiste se déplace dans les soirées, où la jeunesse boit vite et beaucoup, surtout le samedi soir. C’est cet univers d’outrance, de « no-control » que capte le dessinateur. Thomas Levy-Lasne montre tout : les canettes par terre, les confettis, les traces sur les murs, les débuts de comas éthyliques... Comme un anthropologue, l’artiste observe une jeunesse en train de se faire du mal avec plaisir et provocation. Dans ce dessin, on ne voit que les pieds, excepté un jeune homme totalement avachi à droite. Un chapeau traîne par terre avec de nombreux gobelets. Dessin après dessin, Levy-Lasne dresse le portrait d’une jeunesse qui se réfugie régulièrement dans l’alcool pour oublier le manque de communication réelle et les difficultés de l’époque, et il transforme le visiteur en voyeur amusé. Avec Levy-Lasne, la fête est toujours fragile...

Thomas Lévy-Lasne : Fête numéro 76, 2016. Aquarelle sur papier, 15 cm x 20. Courtesy galerie Backslash

Thomas Lévy-Lasne : Fête numéro 76, 2016. Aquarelle sur papier, 15 cm x 20. Courtesy galerie Backslash

Ce salon Drawing Now 2017 illustre à merveille l’envie des artistes de trouver des nouveautés techniques. Il montre, sans aucune ambiguïté, le réel savoir-faire de ces créateurs, observateurs de notre société et de leurs propres troubles, parfois. Tout le monde peut y trouver son compte, les amateurs d’abstrait, les admiratifs du figuratif, les fans du pas de côté et même les passionnés de chamanisme et de mystère. Grace à Drawing Now, les galeries qui conservaient autrefois les dessins dans leurs réserves, les exposent de plus en plus régulièrement. C’est déjà un grand changement et une belle réussite. Aujourd’hui, le dessin, espace d’audace et de liberté, est roi toute l’année. Mais ici, au Carreau du temple, il est encore plus respecté et encensé qu’ailleurs... Encore une année de plus, où Drawing Now, a réussi son pari. Bon... Moi, je retourne jeter un dernier coup d’œil aux œuvres de Stéphane Mandelbaum...

Carreau du Temple : 4 rue Eugène Spuller, 75003 Paris

Du 23 mars au dimanche 26 mars 2017 : de 11h à 20 h (dimanche 19h)

Entrée : 16 euros / TR : 9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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